Les villes refuges

1 juin 2017

Le Canada et la crise mondiale du déplacement forcé

Nous vivons une crise mondiale de migration et de déplacement forcés. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), il n’y a jamais eu autant de déplacements qu’actuellement. Au moins 65,3 millions de personnes ont été obligées de quitter leur foyer. En 2015, année la plus récente au sujet de laquelle nous disposons de statistiques, 24 personnes par minute, tous les jours, ont été forcées de quitter leur foyer. Près de la moitié des personnes en question sont des enfants.

Il y a de 200 000 à 500 000 migrantes et migrants sans statut au Canada.

Les migrantes et migrants sans statut peuvent comprendre, sans y être restreints, les personnes qui ont vu révoquer leur statut, qui ont fait l’objet de coercition par des trafiquants ou qui ont vu rejeter leur demande d’asile. Bon nombre d’entre eux ont vécu des conflits, de la violence, de la persécution et des violations des droits humains.

Les migrantes et migrants sans statut demandent l’asile aux municipalités canadiennes et celles-ci peuvent et doivent leur répondre.  

Migrants sans statut dans les municipalités canadiennes

Au Canada, les migrantes et migrants sans statut vivent et travaillent dans une peur profonde et constante.

S’ils se faisaient détecter, détenir et expulser par les agents d’immigration, leur vie et celle de leur famille seraient bouleversées et ils perdraient toute possibilité de s’intégrer à nos collectivités et à notre pays. L’isolement social et l’incessante crainte de se faire détecter et déporter les rend « invisibles » dans nos collectivités et cela peut nuire très grandement à leur santé physique et mentale.

Le statut d’immigration précaire des migrantes et migrants sans statut les rend vulnérables dans leur vie quotidienne au sein de la collectivité ainsi que dans leur emploi. Les migrantes sans statut qui sont racialisées ou autochtones, qui comptent parmi les LGBTQ ou qui ont un handicap sont les plus vulnérables.

Les migrantes et les migrants vivent en outre une insécurité et une violence croissantes par suite de la montée du racisme, de l’islamophobie et du ressentiment à l’égard des immigrantes et immigrants. La désignation de villes refuges dans tout le Canada aurait pour effets non seulement de permettre au Canada de répondre à une crise mondiale, mais aussi de montrer que les municipalités canadiennes prennent des mesures pour s’opposer au racisme et à la xénophobie.

De nombreuses municipalités font de grands progrès en vue d’être plus inclusives et d’accès plus facile. Devenir des refuges assurant un soutien suffisant aux migrantes et migrants sans statut peut s’inscrire dans cette démarche.

Les municipalités peuvent décider de ne pas demander d’information au sujet du statut d’immigration et de ne pas partager pareille information à moins que la loi les y oblige. Bien que l’immigration soit réglementée par le gouvernement fédéral, les municipalités peuvent aider à protéger les migrantes et migrants et leurs familles.    

Désignation de ville refuge

Les municipalités canadiennes peuvent protéger les migrantes et les migrants en se dotant d’une désignation de ville refuge, ainsi qu’en donnant une vaste formation et en mettant en œuvre des pratiques exemplaires pour aider les personnes et les familles dont le statut d’immigration est précaire.

Une ville refuge donne accès aux services municipaux sans crainte de détection, de détention ou d’expulsion aux habitantes et habitants n’ayant pas le plein statut d’immigrant et/ou ne disposant pas de tous les documents fédéraux établissant leur plein statut d’immigrant. La désignation de ville refuge n’est efficace et utile que si elle est accompagnée d’une forte mise en œuvre de la politique municipale, de la prestation d’une formation aux dirigeants et au personnel municipaux et d’une campagne de sensibilisation du public.

Jusqu’à présent, Toronto, London et Montréal ont été désignées villes refuges. Vancouver a adopté une politique sur l’accès sans crainte aux services de la ville pour les habitantes et les habitants sans statut d’immigration ou dont le statut d’immigration est incertain, amenant ainsi son action d’appui aux migrantes et migrants sans statut au-delà de la simple désignation.

Une ville refuge sert tous ses habitants et habitantes

Les politiques de ville refuge cadrent avec les droits à l’égalité et à la sécurité de la personne garantis par la Charte et avec les obligations internationales en matière de droits humains imposées par le Comité de l’ONU pour l’élimination de la discrimination raciale et la Convention des Nations Unies sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW).

Comme celle des autres habitantes et habitants, la vie des migrantes et migrants englobe des services municipaux tels que les programmes récréatifs, les services des bibliothèques, des garderies, des refuges d’urgence, de la santé publique, des banques d’alimentation, des transports en commun et de la police. Les politiques de ville refuge assurent la protection et la sécurité aux migrantes et migrants grâce à l’adoption par les personnes qui fournissent les services municipaux, les services de sécurité des transports en commun et la police de pratiques de discrétion absolue (ne rien demander, ne rien dire) ou d’accès sans crainte.

Il est utile aux municipalités d’être des refuges pour les migrantes et les migrants. Les migrantes et migrants sans statut paient des taxes municipales dans leur loyer et de la TPS/TVH sur les produits et services et ils stimulent la croissance économique grâce à leur emploi.

Les migrantes et migrants sans statut n’ont accès à des services qu’au palier municipal; ils n’ont pas accès aux services provinciaux ou fédéraux. Les personnes réfugiées, désignées par l’UNHCR, ne sont pas des migrants sans statut. Au Canada, les personnes réfugiées ont accès aux services et aux soutiens.

Tous les habitants et les habitantes de la ville refuge bénéficient de sa désignation car elle améliore sa santé, sa vigueur, son dynamisme et sa prospérité.

Prochaines étapes

  1. Faire adopter par le conseil municipal une politique et une désignation de ville refuge.
  2. Mener une campagne de sensibilisation et d’éducation du public à l’intérieur de la ville, y compris dans ses transports en commun, au sujet de ce que c’est que d’être une ville refuge et des politiques et pratiques d’accès sans crainte et de discrétion absolue (ne rien demander, ne rien dire).
  3. Mener une campagne communautaire de sensibilisation et d’éducation du public sur ce que c’est que d’être une ville refuge afin de favoriser une prise de conscience des habitantes et habitants et de faire savoir aux migrantes et migrants sans statut qu’ils peuvent faire appel aux services municipaux sans craindre la détection, la détention ou l’expulsion.
  4. Dresser un plan de contrôle et d’évaluation prévoyant la présentation de rapports annuels au conseil municipal sur la mise en œuvre des politiques de ville refuge.
  5. Que la ville incite le gouvernement provincial à mettre des programmes et des services à financement provincial à la disposition des migrantes et migrants sans statut.
  6. Que la ville incite le gouvernement fédéral à créer des voies d’accès à la résidence permanente des migrantes et migrants sans statut.
  7. Collaborer avec les administrations municipales de tout le Canada pour qu’elles adoptent des politiques de ville refuge et les mettent en œuvre sur leur territoire.

Actions communautaires

  1. assembler des personnes, des alliés communautaires et des conseils du travail qui partagent le même point de vue pour militer en faveur de l’adoption d’une désignation et de politiques de ville refuge.
  2. Écrire à votre conseiller municipal et à votre maire pour leur faire savoir que vous souhaitez faire de votre municipalité une ville refuge.
  3. Établir et faire signer une pétition électronique incitant le conseil municipal à adopter une motion qui désigne votre ville en tant que ville refuge.
  4. Rendre visite à votre conseiller municipal et à votre maire pour préconiser en personne l’adoption d’une politique de ville refuge.
  5. Recueillir des fonds afin d’appuyer les efforts communautaires visant à faire de votre municipalité une ville refuge.
  6. Sensibiliser le public de votre collectivité à la nécessité de devenir une ville refuge et aux effets positifs que cela aura.
  7. Organiser des événements communautaires permettant de sensibiliser les gens au besoin de devenir une ville refuge et d’accroître l’appui de cette désignation.
  8. Si vous vivez dans une ville refuge, militez en faveur de la mise en œuvre efficace de politiques de ville refuge en :
  • communiquant avec votre conseiller municipal;
  • communiquant avec votre maire;
  • collaborant avec des personnes, des groupes et des conseils du travail qui partagent votre point de vue pour que les dossiers demeurent actifs dans la communauté et au sein du conseil municipal;
  • demandant au conseil municipal et à la police d’agir de manière transparente et de rendre des comptes à ce sujet.
  1.   Faire de votre appui de la désignation ou des politiques de ville refuge un enjeu électoral municipal.