Il est temps que le gouvernement passe de la parole aux actes sur l’équité salariale

19 octobre 2018

par HASSAN YUSSUFF, le 24 septembre 2018

Le gouvernement fédéral lance la première Semaine de l’égalité des sexes le 23 septembre. 

C’est un effort louable – et clairement nécessaire – car de trop nombreuses femmes au Canada n’ont pas encore atteint la parité quant à leur rémunération pour le travail qu’elles accomplissent.

Résoudre cette question devrait être au cœur des priorités du gouvernement fédéral, sinon leur désignation d’une semaine pour « célébrer le progrès à ce jour pour réaliser pleinement l’égalité des sexes au Canada » n’aura pas grande importance.

L’un des obstacles les plus tenaces à l’égalité entre les sexes au Canada est l’écart salarial. Les femmes représentent près de la moitié de la population active au Canada, pourtant elles gagnent en général 32 % de moins que les hommes. Les femmes de couleur, les femmes autochtones et les femmes ayant un handicap (ou qui ont une combinaison de ces caractéristiques) gagnent encore moins que leurs homologues blanches sans handicap.

Ces iniquités persistent depuis des décennies et touchent les femmes, quels que soient leur situation socioéconomique ou leur niveau de scolarité. Cette situation lamentable est maintenant devenue le statu quo.

Bon nombre de facteurs contribuent à ces disparités, y compris le manque de services de garde à prix abordable et de soins à domicile, la persistance des pratiques d’embauche et de promotion discriminatoires et le harcèlement et la violence au travail.

Un autre facteur qui aggrave le problème est la façon dont notre société sous-évalue le travail des femmes. Les emplois qui sont traditionnellement occupés par des femmes s’assortissent habituellement d’une rémunération inférieure à celle des emplois à prédominance masculine, même s’ils exigent autant de compétences et d’effort et comportent un même degré de responsabilité ou des conditions de travail semblables. 

Cette discrimination salariale systémique est profondément ancrée, tout comme les stéréotypes de genre qui renforcent ces différences de rémunération. Il n’y a aucune raison logique pour laquelle le personnel des services de garde à l’enfance est si mal payé – cela démontre le peu de valeur accordée au travail qu’implique la prestation de soins.  

En 2004, un groupe de travail fédéral sur l’équité salariale a tracé une approche proactive à suivre pour éliminer la discrimination salariale sexiste au Canada. Quatorze ans plus tard, nous attendons toujours qu’il prenne des mesures quant aux recommandations, malgré des appels constants et persistants de la part des organisations syndicales et féminines. Dans le budget fédéral de 2018, le gouvernement a promis une loi visant à mettre en œuvre l’équité salariale proactive pour les travailleuses et travailleurs sous réglementation fédérale. C’est une bonne nouvelle – mais nous ne connaissons pas encore la portée de la loi.

La loi doit renforcer le fait que l’équité salariale est un droit fondamental. Le droit à un salaire égal pour un travail de valeur égale est reconnu à l’échelle internationale depuis plus de 65 ans.

Ici, au Canada, la Charte canadienne des droits et libertés et la Loi canadienne sur les droits de la personne protègent les femmes contre la discrimination fondée sur le sexe. Les employeurs ne sont pas censés créer ou maintenir des disparités salariales entre les hommes et les femmes pour un travail de valeur égale.  

Toute nouvelle loi doit aussi réparer les torts causés par la précédente tentative du gouvernement visant à redéfinir l’équité salariale comme un problème de négociation plutôt qu’un droit de la personne. Cette dernière dépouillait les syndicats de la fonction publique de la capacité de représenter leurs membres lorsqu’ils portent plainte.

Notre système actuel doit être réparé de façon à ce que les employeurs soient responsables d’identifier et de corriger la discrimination salariale systémique plutôt que de s’en remettre aux travailleuses qui déposent des plaintes pour corriger les inégalités. Les syndicats doivent avoir un rôle à jouer dans l’instauration et le maintien de l’équité salariale. Sans ces deux éléments clés en place, le système restera contraignant, long et coûteux.

Bien que la loi vise à lutter contre la discrimination fondée sur le sexe, il devrait y avoir une obligation d’examiner l’indemnisation en portant une attention particulière aux autres motifs de discrimination qui peuvent également être un facteur.

Sans surveillance et mise en application, aucun progrès ne sera réalisé. Cela requiert la création d’une commission autonome portant spécifiquement sur l’équité salariale. Menée par un commissaire à l’équité salariale disposant de ressources suffisantes, la commission fournirait l’expertise pour superviser le processus, apporter de l’aide et de formation aux employeurs et aux représentants des travailleuses et travailleurs, surveiller et appliquer la loi, et favoriser une plus grande acceptation.

Il existe déjà une loi proactive en Ontario, au Québec, au Manitoba et au Nouveau-Brunswick et suffisamment de jurisprudence pour aider à résoudre certains des détails techniques les plus épineux. Les syndicats du Canada sont prêts à aider à faire en sorte que la loi soit appropriée. 

C’est une occasion pour le gouvernement d’enfin donner suite à une promesse que les femmes attendent depuis trop longtemps. Faut que ça bouge, une fois pour toutes.

Hassan Yussuff est le président du Congrès du travail du Canada.

Cet article a été publié dans le Toronto Sun le 24 septembre 2018.

En avez-vous assez d’attendre l’élimination de la discrimination salariale? Ajoutez votre voix à l’appel: 
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