La consommation collaborative : Uber positive ou Uber négative?
Si vous avez utilisé l’application UBER pour un trajet en taxi pas cher, acheté ou vendu des produits sur Kijiji, loué une chambre sur Airbnb, versé des dons à une campagne sur Indiegogo ou utilisé Handy pour vos travaux à la maison, vous avez pris part à une nouvelle tendance économique en plein essor : la consommation collaborative.
La consommation collaborative a généré 15 milliards $ US en revenus dans les secteurs du transport, de la vente au détail, du logement, des services et des marchés financiers. L’on prévoit une croissance pouvant atteindre 335 milliards $ en revenus d’ici 2025.
La valeur de la compagnie Uber, société de transport très populaire opérant dans plus de 50 pays et connaissant actuellement un succès grandissant au Canada, a été évaluée à 40 milliards $ US. La société compte Google et Goldman-Sachs parmi ses investisseurs.
Pour les consommateurs, Uber propose une alternative aux compagnies de taxi réglementées. Pour les chauffeurs, Uber offre la possibilité de travailler de manière flexible et indépendante.
Tentant, à priori : une solution de transport moins chère et plus facile d’accès grâce à une application simple sur votre cellulaire et une plus grande flexibilité pour les chauffeurs.
Mais… il y a un mais. Et c’est précisément la raison de l’intervention du mouvement syndical. Outre les inquiétudes évidentes que cela suscite au regard de la sécurité et de l’accessibilité publiques, la question fait partie d’un bien plus large débat sur l’accroissement des emplois précaires et la protection des normes du travail sous la pression de nouvelles tendances que sont les conditions de travail non réglementées, l’essor du secteur des services et les changements technologiques.
Un récent rapport de la Banque CIBC a constaté que la qualité de l’emploi au Canada continue de souffrir, atteignant un creux record. La consommation collaborative s’appuie sur un modèle d’entreprise où des sociétés non réglementées peuvent générer des bénéfices, tout en transférant les coûts et les risques sur une main-d’œuvre autonome et peu rémunérée. Cela a pour effet de faire baisser les salaires et les normes dans l’économie réglementée, tout en menaçant la sécurité des retraites.
Les travailleurs et les syndicats s’y opposent en défense de la protection des droits des travailleurs, de la sécurité publique et contre la déréglementation des entreprises.
Aux États-Unis, des travailleurs ont déposé des recours collectifs contre les nouvelles compagnies au motif qu’ils devaient être considérés comme des employés et avoir droit à ce titre aux protections et aux avantages sociaux habituels.
En Californie, le syndicat des Teamsters a lancé l’application Association californienne des chauffeurs de taxi pour syndiquer les chauffeurs d’Uber. À l’inverse, les syndicats internationaux, tels que la Fédération internationale des travailleurs des transports (FITT) et la Confédération syndicale internationale (CSI), se sont fermement opposés à Uber, avec pour conséquence le retrait d’ONU Femmes d’un nouveau projet de partenariat international avec cette entreprise.
Face à Uber, les réactions des municipalités et des organismes de réglementation sont très partagées. Certains autorisent les compagnies à exercer en attendant d’élaborer de nouveaux règlements, d’autres infligent des amendes aux chauffeurs d’Uber, tandis que certains pays ont carrément interdit à Uber d’exercer sur leur territoire.
D’autres encore soutiennent que les organismes de réglementation ne devraient pas rejeter l’économie de consommation collaborative, mais au contraire revoir la réglementation du transport par taxi pour améliorer la flexibilité, la concurrence et l’innovation.
La société Uber a elle-même appelé à une réglementation du secteur, car elle se situe actuellement dans un « flou juridique » qui risque porter préjudice à ses activités.
La plupart des cadres réglementaires actuels n’ont pas été conçus pour le monde numérique et sont mal adaptés à ce nouveau modèle économique. Cela ouvre également la porte aux pratiques de déréglementation et
d’auto-réglementation qui ont permis à certaines entreprises de devenir plus puissantes que les gouvernements, mettant en danger la santé et la sécurité publiques ainsi que l’environnement.
Au-delà de la question de la sécurité publique, il importe de décider si ce type d’emploi ouvre effectivement la voie à de nouvelles possibilités de travail plus souples, ou s’il s’agit simplement d’un nouveau modèle d’entreprise qui alimente la montée du travail précaire en profitant d’une main-d’œuvre vulnérable dans une économie morose.