Cette semaine dans l’histoire syndicale

20 décembre 2017

Les relations de travail entre Postes Canada et les travailleuses et travailleurs qui trient et livrent le courrier ont rarement été bonnes. De 1965 à 1978, sept grèves ont été déclenchées. Bon nombre d’entre elles étaient illégales. En 1974, par exemple, une grève « sauvage » est ce qu’il a fallu pour obtenir des salaires équitables pour les opératrices de codeuses, dont l’emploi à prédominance féminine était classé à bas salaire.

En 1977, le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) est prêt à négocier une nouvelle convention collective et s’efforce de régler certaines questions : la conversion du travail à temps partiel et des heures supplémentaires en emplois à plein temps, les incidences des changements technologiques, les heures de travail et le congé de maternité. Plutôt que de négocier de bonne foi, l’employeur (le gouvernement fédéral) répond par l’ingérence politique, la désinformation et l’affrontement.

Il faut se rappeler qu’à ce moment-là, Postes Canada était un ministère fédéral contrôlé par le Parlement et plus directement par le Cabinet et le ministre responsable (le Postmaster-General). Ce n’est qu’en 1981 que Postes Canada devient une société d’État  – comme le revendiquait depuis longtemps le STTP – et commence à être régi par le Code canadien du travail.

Au cours de l’été de 1977, des documents gouvernementaux qu’on a laissé filtrer révèlent que le gouvernement Trudeau s’efforce de subvertir le syndicat en traitant directement avec les travailleurs et travailleuses des postes (afin de diviser pour régner). Les réunions syndicales et la distribution de documents syndicaux en milieu de travail – que permet la convention collective – sont interdites (l’interdiction est par la suite levée par une décision arbitrale). Les archaïques règles de négociation collective dans le secteur public sont rétablies afin de soustraire des questions à la négociation, y compris des questions sur lesquelles porte déjà la convention collective. Le système permettant à l’employeur d’établir, de modifier et de mettre en œuvre des règles à son gré frustre grandement les postières et les postiers et les décourage d’obtenir une convention collective juste et équitable.

Le 17 octobre 1978, après 18 mois de négociations infructueuses, les travailleurs et les travailleuses des postes de tout le pays débrayent dans le cadre d’une grève légale. Le gouvernement fédéral répond en faisant adopter le même jour à la Chambre des communes une loi ordonnant le retour au travail et mettant un terme à la grève. Quand la loi reçoit la sanction royale l’après-midi suivant, les travailleurs et les travailleuses refusent de s’y conformer et Jean-Claude Parrot, président du STTP, et l’Exécutif national du syndicat décident de faire fi de ce qu’ils considèrent comme une loi injuste et refusent de mettre fin à la grève.

Une semaine plus tard, soit le 25 octobre, pendant que le syndicat tient des réunions avec le ministre fédéral du Travail, la GRC procède à une descente sur les bureaux du STTP. La direction de Postes Canada déclare ensuite qu’elle congédiera les travailleurs et les travailleuses qui ne rentrent pas au travail pour abandon de poste. Afin de protéger les emplois de ses membres, le syndicat met fin à la grève ce jour-là, enjoignant les travailleurs et les travailleuses à rentrer la tête haute car les négociations se poursuivront.

Cependant, le gouvernement a d’autres projets. Deux jours plus tard, il rassemble tous les membres de l’Exécutif national du STTP et les met en état d’arrestation. Les conditions de libération de M. Parrot exigent qu’il mette un terme à la grève qui a déjà pris fin. En mars 1979, une nouvelle convention collective est imposée aux travailleurs et travailleuses des postes. Le mois suivant, après un procès de sept jours, un juge nommé par le gouvernement fédéral condamne Jean-Claude Parrot à trois mois de prison et à 18 mois de probation pour avoir défié le Parlement.

M. Parrot se présente à la prison le mois de janvier suivant pour commencer à purger sa peine – pendant laquelle il manque les élections fédérales au cours desquelles les hommes politiques responsables de son sort reprennent le pouvoir après la défaite électorale qu’ils ont subie peu de temps après sa condamnation. Pendant qu’il est en prison, M. Parrot reçoit plus d’un millier de lettres de soutien des différentes parties du Canada, dont certaines ont été rédigées par des enfants.

Des années plus tard, M. Parrot devient vice-président exécutif du Congrès du travail du Canada et représente les travailleuses et les travailleurs canadiens à l’échelle nationale et sur la scène internationale en tant que délégué des travailleurs à l’Organisation internationale du Travail. Depuis qu’il a pris sa retraite, en 2002, M. Parrot continue de défendre les droits des travailleurs et travailleuses. Il a publié ses mémoires sous le titre Ma vie de syndicaliste en 2005.