Déclaration du Conseil canadien du CTC sur la décision du gouvernement de l’Ontario d’invoquer la clause dérogatoire
Le Congrès du travail du Canada et ses affiliés se joignent à la Fédération du travail de l’Ontario pour condamner de façon unanime la décision du gouvernement Ford d’annuler le jugement d’un tribunal ontarien qui a jugé inconstitutionnelles des parties clés du projet de loi 254. Cette mesure dangereuse et visant à défendre les propres intérêts de Doug Ford ne fait pas que bafouer les droits des Ontariens en vertu de la Charte; elle va encourager les gouvernements de droite de tout le Canada à faire taire les critiques de la même façon.
Dans une décision rendue le 8 juin, le juge Morgan de la Cour supérieure a conclu que la réglementation de la publicité de tiers par le projet de loi 254 pendant une période préélectorale de 12 mois violait la garantie de liberté d’expression de la Charte et échouait au test de l’atteinte minimale. Les syndicats ont fait valoir que la période réglementée d’un an prévue par le projet de loi était trop longue et qu’elle limitait sans discernement non seulement le discours lié à l’élection, mais aussi l’expression sur une gamme d’importantes questions de politique publique qui n’ont aucun lien avec l’élection à venir.
Depuis des décennies, le mouvement syndical soutient avec force et constance la limitation des dépenses électorales et de la publicité des tiers. Partout, les entreprises et les fortunés ont à la fois le moyen et une concentration de richesse pour influencer les électorats. Cette menace a été soulignée par le rapport de 1991 de la Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis et sa recommandation de réglementer les contributions politiques et la publicité électorale des tiers.
Le projet de loi 254, maintenant connu sous le nom de projet de loi 307, est très différent. Il s’agit d’une législation partisane visant carrément les critiques du gouvernement conservateur, en particulier le mouvement syndical. Devant la Cour, le gouvernement n’a pas réussi à justifier ni même à expliquer pourquoi il doublait la période réglementée préélectorale, et ses propres témoins experts ont contredit les arguments du gouvernement. Le recours à l’article 33 de la Charte pour passer outre à une décision judiciaire sur une question d’auto-préservation électorale du gouvernement est un conflit d’intérêts honteux et inacceptable pour les Ontariens.
Même ceux qui ne s’opposent pas au projet de loi devraient être consternés par l’utilisation par le gouvernement de la clause dérogatoire pour refuser les protections constitutionnelles aux Ontariens. Ce n’est pas pour rien que l’on appelle cette clause « l’option nucléaire » – elle est radicale, dangereuse et prévue pour les situations les plus extrêmes.
En 2018, Doug Ford a de la même manière et de façon opportuniste fait appel à la clause dérogatoire pour interférer avec une campagne électorale du Conseil de Toronto alors en cours. Plutôt que de faire appel ou d’accepter la décision de la Cour supérieure, Doug Ford a préparé un projet de loi faisant fi de la Charte pour servir ses propres fins.
Nous rejetons l’idée que la clause dérogatoire peut être utilisée chaque fois qu’une décision judiciaire gênante confirmant des droits constitutionnels fondamentaux interfère avec les priorités du gouvernement. Monsieur Ford, l’Ontario est une démocratie, régie par la primauté du droit et soumise à la constitution du Canada. Vous n’êtes pas le roi, et l’Ontario n’est pas une dictature de pacotille dont vous pouvez réécrire les lois sur un coup de tête, sans limite ni contrainte. Les syndicats ne seront pas réduits au silence, et nous ferons notre part en parlant au nom de nos membres. Vous aurez beau essayer, vous ne pourrez pas nous museler.