13 faits qu’il faut connaître au sujet de l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC)
Après plus d’une année de négociations, le Canada, les É.-U. et le Mexique ont conclu, le 30 septembre 2018, un accord remplaçant l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Le nouvel accord s’appelle l’Accord États-Unis-Mexique-Canada (AEUMC).
L’AEUMC comprend d’importants gains pour les travailleuses et les travailleurs canadiens, mais il présente certains sujets d’inquiétude.
D’abord, les bonnes nouvelles.
1. L’AEUMC élimine les dispositions sur le règlement des différends entre un investisseur et un État (RDIE) que comprenait l’ALENA.
-
Les dispositions de l’ALENA permettaient aux entreprises et aux investisseurs étrangers de poursuivre des gouvernements canadiens s’ils estimaient que les politiques de ces gouvernements leur faisaient subir un préjudice injustifiable. Le Canada s’est fait poursuivre plus souvent que tout autre pays d’Amérique du Nord et a dû payer plus de 300 millions de dollars d’amendes et de frais.
-
Le chapitre 11 de l’ALENA faisait passer les droits des entreprises et des investisseurs étrangers avant les droits des gouvernements souverains. Cela compromettait la capacité des gouvernements d’adopter des lois et des programmes défendant l’intérêt public.
2. L’AEUMC marque des progrès relatifs aux droits au travail.
-
L’ALENA comprenait une entente particulière sur les normes du travail qui était essentiellement inutile. Elle n’était pas exécutoire et n’exigeait pas que les pays haussent leurs normes du travail ou atteignent les normes internationales du travail.
-
L’AEUMC incorpore les dispositions sur le travail à l’accord principal, en tant que chapitre indépendant sur le travail, ce qui les rend exécutoires en vertu de la procédure de règlement des différends entre États que prévoit le chapitre 31.
-
Le chapitre de l’AEUMC sur le travail exige que les trois pays respectent les droits fondamentaux prévus dans la Déclaration de l’Organisation internationale du Travail relative aux principes et droits fondamentaux au travail.
-
Le chapitre de l’AEUMC sur le travail comprend des dispositions claires qui engagent chaque pays à mettre en œuvre des politiques protégeant les travailleuses et les travailleurs contre la discrimination en matière de rémunération et d’emploi fondée sur le sexe, y compris à l’égard de la grossesse, du harcèlement sexuel, de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre et des responsabilités de prestation de soins.
-
L’AEUMC comprend des dispositions visant à ce que les pays prennent des mesures pour interdire l’importation de biens produits grâce au travail forcé, éliminer la violence à l’égard des travailleuses ou travailleurs qui exercent leurs droits au travail et voir à ce que les travailleuses ou travailleurs migrants soient protégés par les lois sur le travail.
-
Un important ajout à l’AEUMC par rapport à l’ALENA est l’Annexe sur la représentation des travailleurs aux fins de la négociation collective au Mexique. Cette annexe engage le Mexique à prendre des mesures législatives précises pour assurer la reconnaissance du droit de négocier collectivement. Actuellement, un grand nombre de travailleuses et travailleurs mexicains sont assujettis à des « contrats de protection » entre une entreprise et un syndicat qu’elle approuve. Cette relation compromet les droits au travail, les salaires et les conditions de travail au Mexique. L’annexe du chapitre de l’AEUMC sur le travail inspire l’espoir de voir augmenter le nombre des syndicats démocratiques et indépendants au Mexique.
3. L’AEUMC permet au secteur canadien de l’automobile de gagner du terrain.
-
Selon l’ALENA, la prescription sur la teneur totale en éléments nord-américains des automobiles était de 62,5 %. L’AEUMC portera cette teneur à 75 % d’ici 2023.
-
Une fois que l’accord aura été entièrement mis en vigueur, 40 % des coûts matériels et de production d’une automobile et 45 % de ceux d’un camion devront être engagés dans des installations où les travailleuses et les travailleurs contribuant directement à la production gagnent en moyenne 16 dollars étasuniens par heure.
-
Donald Trump, président des É.-U., a menacé d’imposer des tarifs douaniers de 25 % sur les automobiles et les pièces d’automobile fabriquées au Canada et expédiées aux É.-U. Toutefois, l’AEUMC comprend une entente particulière qui exempte un maximum de 2,6 millions d’automobiles canadiennes et 32 milliards de dollars étasuniens de pièces d’automobile si les É.-U. imposent des tarifs en vertu de l’article 232 — c’est beaucoup plus que ce que le Canada expédie et a expédié par le passé aux É.-U.
-
L’AEUMC comprend une nouvelle exigence selon laquelle 70 % de tout l’acier et l’aluminium entrant dans la fabrication d’une automobile doit venir d’Amérique du Nord.
4. L’AEUMC permet au secteur canadien de l’énergie de réaliser d’importants progrès.
-
Le chapitre de l’ALENA sur l’énergie comprenait une disposition appelée « clause de proportionnalité » qui s’appliquait au Canada et aux É.-U. mais non au Mexique.
-
La clause de proportionnalité de l’ALENA sur l’énergie exigeait que le Canada exporte une proportion fixe de sa production d’énergie aux É.-U. même en temps de pénurie d’énergie au Canada.
-
La clause de proportionnalité de l’ALENA empêchait le Canada de réduire l’accès des É.-U. à notre pétrole, à notre gaz, à notre charbon et à notre électricité sans procéder à une réduction proportionnelle de son propre accès à ces produits.
-
La clause de proportionnalité de l’ALENA a été éliminée dans l’AEUMC, comme le chapitre distinct sur l’énergie de l’ALENA.
5. L’AEUMC protège les industries culturelles du Canada.
-
L’AEUMC incorpore et renforce l’exception générale des industries culturelles que comprenait l’ALENA, et il l’élargit pour qu’elle englobe les industries numériques (chapitre 32).
6. L’AEUMC prévoit une reconnaissance inédite des peuples autochtones et de leurs droits.
-
La disposition la plus importante de l’AEUMC pour les peuples autochtones est la très claire exception générale applicable aux droits des Autochtones (chapitre 32), qui stipule ce qui suit : « Aucune disposition du présent Accord n’empêche une Partie d’adopter ou de maintenir une mesure qu’elle juge nécessaire pour honorer ses obligations légales envers les peuples autochtones ».
-
L’ALENA ne comprenait qu’une exception faible et partielle à l’égard des droits des Autochtones. L’exception de l’AEUMC est plus forte et s’applique à l’accord entier.
-
L’exception générale signifie qu’aucune disposition de l’accord n’empêche les gouvernements nord-américains d’honorer leurs obligations légales, sociales, économiques, culturelles et morales envers les peuples autochtones.
-
Les peuples autochtones sont mentionnés dans plusieurs autres parties de l’accord, y compris le texte qui porte sur la responsabilité sociale des entreprises, le chapitre sur l’environnement, le chapitre sur les petites et moyennes entreprises et le chapitre sur le textile, qui comprend une disposition sur l’exemption de droits de l’artisanat autochtone.
Voici les mauvaises nouvelles.
7. L’AEUMC n’élimine pas les tarifs douaniers sur l’acier, l’aluminium et les produits forestiers canadiens.
-
En novembre 2017, les É.-U. ont imposé des tarifs sur les exportations canadiennes de bois d’œuvre résineux.
-
En juin 2018, les É.-U. ont imposé des tarifs sur les exportations canadiennes d’acier et d’aluminium.
-
De plus, les É.-U. ont engagé une enquête sur les exportations d’uranium en vue de l’imposition éventuelle de tarifs sur les exportations canadiennes d’uranium (le Canada est le deuxième pays producteur d’uranium et un important fournisseur d’uranium sur le marché étatsunien).
-
Ces tarifs illégaux, injustes et injustifiés font peser une grave menace sur les emplois et les communautés du Canada.
-
Il est très décevant que l’AEUMC ne prévoie pas l’élimination de ces tarifs. Le mouvement syndical continue à inciter le gouvernement du Canada à redoubler d’efforts pour les éliminer.
8. L’AEUMC fait des concessions sur les industries agricoles canadiennes sous gestion de l’offre.
-
L’AEUMC rend le marché canadien accessible à une plus grande quantité de produits laitiers, d’œufs et de produits de volaille des É.-U.
-
Les produits laitiers comprennent ceux qui contiennent de l’hormone de croissance bovine (BGH), une hormone génétiquement modifiée qu’on injecte aux vaches pour qu’elles produisent plus de lait. La BGH a été interdite au Canada parce qu’elle cause de graves troubles de santé.
-
Les concessions que comprend l’AEUMC accroîtront les pressions subies par les producteurs canadiens en raison de l’augmentation de l’accès au marché accordé dans d’autres accords commerciaux tels que l’AECG conclu avec l’Union européenne et le PTPGP.
-
Le gouvernement du Canada s’est engagé à dédommager les producteurs et les travailleurs et travailleuses agricoles, mais il n’a pas encore indiqué quelle forme son dédommagement prendra, ni qui en profitera.
9. L’AEUMC prolonge la protection des données et des brevets des sociétés pharmaceutiques.
-
Selon l’AEUMC, le Canada s’engage à porter de 8 à au moins 10 ans la durée de la protection des données sur les médicaments biologiques (ces données sont les informations sur la sécurité et l’efficacité que les fabricants de médicaments brevetés produisent au cours des essais cliniques auxquels ils procèdent pour faire homologuer leurs médicaments).
-
L’AEUMC comprend des dispositions de prolongation des brevets qui peuvent ajouter plusieurs années à la durée d’un brevet afin de compenser le temps qui s’écoule entre le dépôt de celui-ci et la mise en marché du médicament (les brevets sur les produits pharmaceutiques ont déjà une durée de 20 ans au Canada).
-
Ce sont deux rapports sous lesquels nous régressons parce que cela retardera la mise en marché des médicaments génériques, ce qui maintiendra les prix des médicaments élevés et inabordables pour des millions de Canadiennes et Canadiens et accroîtra le coût de notre système de santé.
-
Le Canada a plus que jamais besoin d’un régime d’assurance-médicaments universel à payeur unique pour réduire les prix des médicaments et assurer l’accès à des médicaments salvateurs à toutes les personnes qui en ont besoin.
10. L’AEUMC ne prévoit rien pour les changements climatiques.
-
L’AEUMC prévoit quelques progrès dans le domaine de l’environnement, particulièrement par rapport à l’ALENA.
-
L’ALENA ne comprenait qu’une entente particulière sur l’environnement qui était faible et non exécutoire. L’AEUMC intègre à l’accord principal un chapitre indépendant sur l’environnement dont les dispositions seront exécutoires en vertu de la procédure de règlement des différends entre États que comprend l’accord.
-
L’élimination du chapitre 11 de l’ALENA sur les différends entre un investisseur et un État, qui permettait aux investisseurs de poursuivre le Canada, est une mesure importante permettant de protéger notre environnement. Outre le fait que la réglementation environnementale faisait souvent l’objet de poursuites par des investisseurs étrangers contre le Canada, la menace de poursuites décourageait les gouvernements de renforcer les règlements environnementaux dans l’intérêt public.
-
Le chapitre de l’AEUMC sur l’environnement comprend de nouveaux engagements à s’attaquer à des problèmes environnementaux tels que ceux qui ont trait à la qualité de l’air, aux espèces menacées d’extinction, aux substances appauvrissant la couche d’ozone, au maintien de la biodiversité, à la pollution marine, au commerce illégal d’espèces de flore et de faune, à la pêche illégale et l’affaiblissement des stocks de poissons.
-
Cependant, l’AEUMC est très décevant à certains égards environnementaux. La plus importante lacune est que le chapitre sur l’environnement ne mentionne même pas les changements climatiques et ne comprend aucun renvoi à l’Accord de Paris ou à d’autres importants accords environnementaux multilatéraux.
-
L’AEUMC ne prévoit pas d’exemption pour l’adaptation aux changements climatiques et l’adoption des politiques d’atténuation des effets qui sont nécessaires au passage rapide et juste à une économie à faibles émissions de carbone.
11. L’AEUMC donne aux É.-U. une influence sur les futurs accords commerciaux canadiens.
-
L’AEUMC comprend une disposition inusitée qui exige que chaque partie avise les autres trois mois d’avance de son intention de négocier un accord de libre-échange avec un pays « dépourvu d’économie de marché ».
-
Au moins 30 jours avant la signature du nouvel accord, ce pays doit mettre le texte intégral de l’accord à la disposition des autres parties prenantes de l’AEUMC.
-
Une autre partie prenante de l’AEUMC peut alors mettre fin à celui-ci moyennant un préavis de six mois et le remplacer par un accord commercial bilatéral.
-
La Chine est le plus important pays jugé dépourvu d’économie de marché par l’Organisation mondiale du commerce et dans les lois sur les recours commerciaux.
-
Nombreux sont les analystes qui estiment que cette disposition est un moyen pour les É.-U. d’exercer une influence sur les politiques du Canada et du Mexique à l’égard de la Chine.
12. L’AEUMC hausse les limites canadiennes d’exemption de droits et de taxes sur les achats en ligne mais la disposition à ce sujet ne s’applique pas aux livraisons de Postes Canada.
-
L’AEUMC hausse le seuil canadien d’importation en franchise de droits et de taxes sur les achats en ligne (appelé seuil de minimis).
-
La limite d’importation en franchise passera de 20 $ à 150 $. La limite d’exemption des taxes passera de 20 $ à 40 $.
-
Toutefois, ces limites plus élevées d’exemption de droits et de taxes ne s’appliquent qu’aux colis livrés par des services de messagerie privés tels que FedEx et UPS et ne s’appliquent pas à ceux livrés par Postes Canada. Cela pourrait compromettre la compétitivité de Postes Canada sur le marché de la livraison de colis.
13. L’AEUMC doit encore être signé, ratifié et mis en œuvre par chaque pays, et de nombreuses dispositions seront mises en vigueur de façon échelonnée au cours des années à venir.
-
Selon l’article 34.5, l’AEUMC entrera en vigueur le premier jour du troisième mois après que la dernière partie finira de suivre sa procédure de mise en œuvre.
-
Il est prévu que cela se produira vers le milieu de 2019.
-
Entre-temps, le Congrès du travail du Canada continuera à analyser l’accord pour mieux connaître ses répercussions sur les travailleuses et les travailleurs et les industries du Canada.