Déclaration du CTC et des fédérations provinciales et territoriales du travail en réponse au rapport du Comité consultatif ontarien de la relance du marché du travail
Le Congrès du travail du Canada et les fédérations provinciales et territoriales du travail du Canada rejettent unanimement les recommandations que comprend le rapport du Comité consultatif ontarien de la relance du marché du travail (CCORMT) qui ferait des travailleurs et travailleuses des plateformes une main-d’œuvre de second ordre.
Nous croyons que tous les travailleurs et travailleuses méritent le même degré de protection selon la loi. Les employeurs ont longtemps employé des prétextes pour classer leurs salariés à tort parmi les travailleurs autonomes (entrepreneurs indépendants) et ont fait des pressions politiques pour que soient créées des exceptions et des catégories spéciales restreignant les droits des travailleurs et travailleuses. Ces dernières années, des plateformes comme Uber, Lyft et Skip the Dishes ont poussé cet effort à l’extrême d’une manière qui menace les travailleurs et travailleuses partout.
Les travailleurs et travailleuses des plateformes du monde entier défendent leurs droits, font révoquer leur classification erronée parmi les autonomes et s’unissent pour améliorer leurs conditions de travail. Les tribunaux et les législateurs de la France, de l’Espagne, de la Belgique, du Chili, de l’Australie et de nombreux autres pays reconnaissent le statut de salarié par présomption dans le cas du personnel de livraison de nourriture et d’autres personnes travaillant sur des plateformes. La nouvelle directive de la Commission européenne établissant la présomption du statut de salarié à moins que l’employeur puisse prouver que la personne travaillant sur une plateforme est un entrepreneur indépendant illustre le fait que le vent tourne dans le monde entier en faveur de l’attribution de pleins droits d’emploi au personnel des plateformes. Or, les recommandations que comprend le rapport du CCORMT ne cadrent pas avec cette tendance mondiale.
Nous lançons de nouveau notre appel de mars 2021 pour que les gouvernements accordent aux travailleurs et travailleuses des plateformes les mêmes protections juridiques qu’aux autres travailleurs et travailleuses et mettent fin à la classification erronée de salariés parmi les travailleurs autonomes. Le CTC et les centrales syndicales du Canada incitent tous les gouvernements à appliquer universellement les normes d’emploi et à éliminer les exceptions et les catégories spéciales qui restreignent les droits des travailleurs et travailleuses. Nous incitons les gouvernements à mettre un terme à la classification erronée des salariés parmi les entrepreneurs indépendants et à voir à ce qu’il incombe aux employeurs de prouver qu’un travailleur n’est pas un salarié et est vraiment un entrepreneur indépendant.
Le rapport du CCORMT recommande le contraire. Selon la volonté de plateformes numériques telles qu’Uber, Lyft et Skip the Dishes, le CCORMT recommande au gouvernement de l’Ontario de créer dans la législation sur les normes d’emploi une nouvelle catégorie d’entrepreneurs indépendants qui ferait en sorte que les travailleurs et travailleuses des plateformes auraient moins de droits que les personnes salariées. Les travailleurs et travailleuses considérés comme des entrepreneurs indépendants continueraient d’avoir un accès réduit ou restreint au Régime de pensions du Canada, au Régime d’assurance-emploi et au régime d’indemnisation pour accident du travail qui sont les bases du travail décent. Le CCORMT recommande plutôt la création d’un régime de « prestations transférables » qui prévoirait indéniablement des prestations inférieures pour les travailleurs et travailleuses en question.
Comme il est reconnu dans le rapport du Comité d’experts sur les normes du travail fédérales modernes, les meilleures prestations transférables sont celles de régimes sociaux universels comme le Régime de pensions du Canada, l’Assurance-emploi et l’assurance-médicaments pancanadienne. Les travailleurs et travailleuses de l’Ontario nécessitent et méritent un plein accès à l’AE et au RPC plutôt que les miettes pouvant être engrangées dans un compte d’épargne individuel.
Le CCORMT a répondu aux souhaits des plateformes, dont le modèle d’entreprise exploite le fait que les travailleurs et travailleuses se voient privés d’accès aux normes d’emploi minimales de base. En même temps, le CCORMT a fait la sourde oreille aux recommandations des travailleurs et travailleuses des plateformes et des groupes syndicaux qui exigent que les gouvernements et les groupes consultatifs défendent les droits des travailleurs et travailleuses plutôt que de protéger les employeurs des plateformes.
Le mouvement syndical canadien demeure résolument uni au mouvement mondial grandissant qui exige que les travailleurs et travailleuses de l’économie à la demande jouissent des mêmes droits et protections que les autres. Nous dénonçons les efforts faits par les plateformes pour faire pression sur les gouvernements afin qu’ils inventent une catégorie d’emploi pour le travail exercé sur les plateformes. Comme la Proposition 22 en Californie, Uber et d’autres plateformes souhaitent que le gouvernement Ford assujettisse à la législation ontarienne la précarité et de mauvaises conditions de travail et qu’il compromette le droit de se syndiquer.
Le travail accompli sur les plateformes est d’une importance cruciale mais est couramment sous-payé et sous-évalué. Les membres du personnel d’épicerie, les chauffeurs-livreurs, les coursiers à vélo et de nombreux autres travailleurs et travailleuses contribuent de façon critique au fonctionnement de notre économie et à notre approvisionnement en produits essentiels. Ce travail compte, et les personnes qui l’accomplissent comptent elles aussi.
Les gouvernements ont pour responsabilité d’améliorer le travail et d’assurer la sécurité et une rémunération équitable aux travailleurs et travailleuses. Nous incitons de nouveau les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral à protéger les personnes qui travaillent sur les plateformes en :
- Appliquant universellement les normes d’emploi et en éliminant les exceptions et les catégories spéciales qui réduisent les droits des travailleurs et travailleuses;
- Instaurant une présomption de salariat pour les travailleurs et les travailleuses afin que ce soit à l’employeur de prouver qu’une travailleuse ou un travailleur n’est pas un salarié et doit plutôt être considéré comme un travailleur autonome;
- Protégeant le droit des travailleurs et des travailleuses d’adhérer au syndicat de leur choix et nivelant les obstacles à la syndicalisation.
Signataires
Congrès du travail du Canada
Fédération du travail de l’Alberta
Fédération du travail de la Colombie-Britannique
Fédération du travail du Manitoba
Fédération des travailleuses et travailleurs du Nouveau-Brunswick
Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador
Fédération du travail des Territoires du Nord
Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse
Fédération du travail de l’Ontario
Fédération du travail de l’Île-du-Prince-Édouard
Fédération du travail de la Saskatchewan
Fédération du travail du Yukon