Justice sociale et démocratie

Le PTP : un accord néfaste pour le Canada conclu par les conservateurs

3 février 2016

Le gouvernement fédéral prévoit s’engager cette semaine à adopter le Partenariat transpacifique (PTP), ce qui l’obligera à le ratifier dans un délai de deux ans malgré la controverse dont cet accord fait l’objet.

La semaine dernière, Hassan Yussuff, président du Congrès du travail du Canada, et plusieurs autres dirigeants syndicaux canadiens ont tenu une réunion avec Chrystia Freeland, ministre du commerce international, pour exprimer de vives craintes au sujet de l’accord.

« Nous avons indiqué clairement que la population canadienne doit être bien informée et avoir son mot à dire avant qu’on puisse engager des pourparlers en vue de la ratification de l’accord », a dit M. Yussuff.

Dans une lettre transmise par la suite à la ministre Freeland, M. Yussuff présentait une liste détaillée des sujets d’inquiétude des syndicats canadiens relatifs au PTP, y compris les menaces majeures suivantes :

Les entreprises ont plus de pouvoir d’intenter des poursuites alors que les travailleurs et les travailleuses demeurent sans protection à bien des égards

De nombreux accords commerciaux prévoient un mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États (RDIE) qui permet à des sociétés géantes de poursuivre directement des gouvernements démocratiquement élus, dans le cadre d’un système non justiciable distinct des tribunaux nationaux, afin de protéger et d’accroître leurs profits.

Par exemple, la société pharmaceutique Eli Lilly poursuit actuellement le Canada pour 500 millions de dollars depuis que nos tribunaux ont refusé de prolonger les brevets de plusieurs des médicaments qu’elle produit.

Alors que les entreprises se voient accorder plus de droits, les droits des travailleurs et travailleuses demeurent tout à fait dénués de protection dans le cadre d’accords commerciaux multilatéraux tels que le PTP. Par exemple :

  • Le chapitre 12 du PTP permet aux entreprises d’amener des employés en masse au Canada sans exiger que ces personnes aient une rémunération équitable;
  • Les employeurs pourront muter des gens de métier spécialisés et du personnel technique au Canada sans qu’il ne soit exigé qu’ils tentent préalablement d’engager des gens au Canada;
  • Les dispositions du PTP sur le travail n’ont pas de mordant et ne garantissent nullement le respect des droits fondamentaux des travailleurs et travailleuses des pays membres du PTP ni la possibilité de ceux-ci d’exercer leurs droits de se syndiquer et de négocier collectivement.

Depuis le début des années 1990, à mesure que proliféraient les accords sur le commerce international, la précarité du travail a augmenté, comme l’inégalité des revenus, et les entreprises ont trouvé des moyens de se dérober à leur obligation de traiter les travailleurs et les travailleuses de manière équitable. Le PTP ne fera qu’envenimer la situation. Une simulation de la Tufts University, fondée sur le modèle des politiques publiques mondiales établi par l’ONU, prévoit une augmentation de l’inégalité des revenus dans tous les pays membres du PTP d’ici 2025 par suite de l’accord.

Si le PTP a pour but d’améliorer l’économie mondiale, nous devons abandonner les mécanismes de RDIE qui se sont révélés inefficaces. Il est temps de rééquilibrer la « protection des investisseurs » et de voir à ce que le PTP accorde autant d’importance au respect de l’obligation des entreprises de traiter leur personnel équitablement et de protéger l’environnement qu’à la protection de leurs biens. 

Pertes d’emplois massives dans le secteur de l’automobile

En 2014, environ 40 000 Canadiens et Canadiennes travaillaient dans l’industrie de la construction d’automobiles et 70 000 autres travaillaient dans la fabrication de pièces d’automobile. Une étude réalisée par Unifor a révélé que le PTP pourrait donner lieu à l’élimination de 20 000 emplois dans le secteur de l’automobile par suite de :

  • l’élimination rapide de toute mesure qu’il reste pour encourager la construction d’automobiles au Canada, ce qui favorisera l’importation d’automobiles japonaises; et
  • l’augmentation de l’incitation des fabricants à s’approvisionner en pièces dans les pays à bas salaires ne faisant pas partie du PTP, ce qui découragera la fabrication de moteurs et de transmissions en Amérique du Nord.

Mise en péril des fermes laitières canadiennes

Le système de gestion de l’offre du Canada garantit à la population canadienne l’accès à des aliments de qualité élevée produits localement et appuie les petites exploitations agricoles familiales et les collectivités rurales. Malheureusement, le Canada importe de plus en plus de produits laitiers depuis 2006. Le PTP céderait aux producteurs étrangers une partie encore plus grande de notre marché laitier. Le Canada risque de perdre un marché de 250 millions de litres de lait par année et les emplois de production qui y sont associés.

Bien que 15 années d’indemnisation aient été promises aux propriétaires (mais non au personnel) de fermes laitières, il est clair que le PTP ne fera qu’accélérer le déclin de l’industrie laitière du Canada.

Baisse des normes de salubrité des aliments

Le PTP rend encore plus difficile que le gouvernement du Canada adopte de nouveaux règlements ou maintienne des règlements en vigueur sur des sujets tels que la salubrité des aliments, même s’ils sont dans l’intérêt du public.

Par exemple, les normes canadiennes de salubrité des aliments interdisent la vente de produits contenant l’hormone de croissance bovine. Selon le PTP, notre interdiction de l’hormone de croissance bovine et d’autres règlements destinés à protéger les consommateurs et les consommatrices pourraient être contestés en tant qu’obstacles au commerce.

Hausse des prix des médicaments sur ordonnance

Le Canada se classe déjà au deuxième rang mondial pour ce qui est des dépenses en médicaments par habitant. Le PTP allonge la protection monopolistique des brevets accordée aux sociétés pharmaceutiques, ce qui signifie qu’il faudra encore plus de temps à la population canadienne pour accéder à des médicaments génériques moins chers. Les concessions faites aux sociétés pharmaceutiques dans le PTP risquent d’accroître de plus de 800 millions de dollars par année les dépenses en médicaments des Canadiens et Canadiennes. 

De plus, le PTP :

  • oblige le Canada à maintenir son niveau actuel de privatisation et de commercialisation, ce qui empêchera les innovations publiques telles que l’établissement d’un régime national public universel d’assurance-médicaments; et 
  • donne aux sociétés pharmaceutiques encore plus de pouvoir de poursuivre nos gouvernements si leurs médicaments brevetés sont exclus des régimes publics d’assurance-médicaments.

Les entreprises pourraient empêcher les pays de lutter contre les changements climatiques

Selon le PTP et des accords commerciaux antérieurs tels que l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne (AECG), le gouvernement ne peut plus assortir les marchés publics de conditions pour favoriser le développement économique local ou assurer le respect de normes environnementales. Il s’ensuit qu’on peut empêcher les gouvernements d’exiger l’embauchage local, l’achat de produits locaux ou la rémunération aux taux courants dans le secteur.

Cela signifiera probablement que les gouvernements ne pourront pas maximiser la création d’emplois découlant des grands projets d’infrastructure, tels que ceux qui sont prévus pour lutter contre les changements climatiques. Par exemple, le PTP empêcherait le gouvernement d’exiger l’approvisionnement local afin de favoriser les industries vertes.

Le mécanisme de RDIE permettrait aux entreprises de contester les règlements nécessaires pour lutter contre les changements climatiques si elles jugent qu’ils constituent des obstacles déraisonnables ou inéquitables à leurs activités commerciales. Il s’ensuit que le PTP empêcherait les gouvernements de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre les changements climatiques. Or, si les gouvernements ne jouent pas un rôle vigoureux, nous ne pourrons pas assurer la transition vers une économie générant peu d’émissions de carbone à temps pour éviter la catastrophe climatique.

Quand le gouvernement Harper a commencé à négocier le Partenariat transpacifique, il n’a pas pris le temps de procéder à des analyses économiques ou environnementales. Bien que d’importantes craintes telles que celles que nous venons d’exprimer aient été présentées, aucun argument convaincant n’a été mis de l’avant pour indiquer en quoi la population canadienne bénéficierait du PTP.

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