Le 27 mars 1912, plus de 8 000 travailleurs de la construction ont débrayé pour protester contre les conditions de vie insoutenables dans des camps de travail disséminés sur 650 kilomètres de territoire. Leur syndicat, les IWW, a organisé des piquets de grève aux États-Unis et au Canada devant les bureaux d’embauchage pour empêcher leur employeur, le Chemin de fer Canadien du Nord, de recruter des travailleurs de remplacement et de compromettre ainsi leur grève.
En février 1912, 8 000 membres des IWW (Industrial Workers of the World) travaillaient pour le CN (Chemin de fer Canadien du Nord). Le gouvernement négligeait leur revendication d’installations sanitaires appropriées et de l’élimination des salaires à la pièce, ou salaires « gypo ». (Le terme « gypo » désignait le bucheron travaillant à la pièce, ou au millier de pieds-planche, contre un salaire ou toute autre rémunération pour le travail à la pièce.)
Le 27 mars, incapables de tolérer plus longtemps les conditions de vie insupportables dans les camps de travail, les 8 000 travailleurs débrayent. La grève s’étend sur un territoire de 400 miles, mais les IWW établissent une « ligne de piquetage de 1 000 miles » car les Wobs (abréviation de Wobblies comme les membres des IWW ont commencé à se faire appeler cette année-là) dressent des piquets de grève devant les bureaux d’embauchage à Vancouver, Seattle, Tacoma, San Francisco et Minneapolis afin d’empêcher le recrutement de briseurs de grève.
Entre-temps, les camps des grévistes sont si bien tenus et si disciplinés que la presse commence à qualifier le camp Yale en particulier de « république socialiste miniature ». Sans aller aussi loin, l’hebdomadaire des IWW de la côte ouest Industrial Worker cite fièrement les camps en exemple de solidarité de la classe ouvrière permettant de souder dans un effort commun des Canadiens, des Étatsuniens, des Italiens, des Autrichiens, des Suédois, des Norvégiens, des Français et des gens d’autres nationalités mettant de côté leurs convictions, leur couleur, leur origine nationale, leur religion, leur langue et toutes leurs autres différences. Même la « boisson du diable » est interdite, ce qui illustre bien le sérieux des grévistes.
Les autorités arrêtent des milliers de grévistes pour « attroupement illégal » et vagabondage. Bon nombre d’entre eux sont chassés à la pointe du fusil. Cependant, les piquets de grève tiennent bon. En août, se joignent aux grévistes 3 000 travailleurs qui participaient à la construction du réseau ferroviaire Grand Trunk Pacific en C-B et en Alberta. Les grèves, mieux connues sous le nom de grèves des cheminots du fleuve Fraser, sont popularisées dans la chanson de Joe Hill intitulée « Where the Fraser River Flows ». De plus, elles font connaître le surnom Wobbly. Un restaurateur chinois qui nourrissait les grévistes aurait mal prononcé IWW en anglais en demandant à ses clients « Are you eye wobble wobble? », et le nom est resté.
La grève du CN se poursuit jusqu’à l’automne de 1912, au cours duquel les grévistes épuisés se contentent de quelques améliorations mineures : de meilleures conditions sanitaires et une suspension temporaire du système des salaires « gypo ». La grève du Grand Trunk en C-B prend fin en janvier 1913 après que le gouvernement du Dominion promet de mettre en application les lois sur l’hygiène. Un gain plus important est l’établissement d’un système de « délégués de camp » dans le cadre duquel le secrétaire des IWW en ville délègue ses pouvoirs à un travailleur devant le représenter sur le terrain – le perfectionnement de ce système a donné lieu à la création des postes permanents de représentant itinérant du syndicat des travailleurs agricoles.
D’autres caractéristiques de la grève méritent d’être mentionnées. L’une est la tactique, employée de nouveau pendant les années 1920 au cours de la grève du Northern Railway à Washington, consiste à envoyer des Wobs clandestins dans les campements des briseurs de grève pour essayer de les convaincre de se mettre en grève. Une autre est la réponse au transport « gratuit » offert par les sociétés ferroviaires aux briseurs de grève à condition que leur bagage soit mis en consigne jusqu’à ce qu’ils aient gagné le prix du billet. De grands contingents de Wobs demandent de participer au programme, laissant en consigne des valises bon marché bourrées de briques et de sacs en jute et ensuite quittant le train en route.
Extrait (édité pour le langage et pour inclure des hyperliens) de THE IWW IN CANADA (LES IWW AU CANADA), par G. Jewell 1975, Administration générale de l’IWW/Chicago
http://www.spunk.org/texts/groups/iww/sp000476.txt