La mobilité de la main-d’œuvre au Canada : Problèmes et recommandations ayant trait aux politiques
Précis
La mobilité de la main-d’œuvre est la libre circulation des travailleurs et travailleuses entre les provinces, les régions ou les pays. Quand la mobilité de la main-d’œuvre entre deux compétences est élevée, le travailleur ou la travailleuse d’une compétence peut facilement aller fournir des services dans une autre. La mobilité élevée de la main-d’œuvre est économiquement efficace parce qu’elle permet aux travailleurs et travailleuses d’aller où l’on a le plus grand besoin d’eux. Toutefois, il y a de nombreux obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre, comme par exemple les exigences d’obtention d’un certificat pour aller travailler dans une autre province ou d’obtention d’un visa pour entrer dans un autre pays. Les gouvernements posent habituellement ces obstacles à la mobilité de la main-d’œuvre afin de favoriser de légitimes intérêts sociaux tels que l’encouragement du développement local ou l’assurance de la sécurité publique.
Au Canada, la mobilité de la main-d’œuvre est régie par une mosaïque de lois et d’ententes provinciales, fédérales et internationales. Globalement, ces lois et ententes visent à établir un équilibre entre la libre circulation des travailleurs et travailleuses et l’intérêt public. Le régime ainsi établi a été plus fructueux à l’intérieur du Canada qu’entre celui-ci et d’autres pays.
Au niveau interprovincial, la plupart des travailleurs et travailleuses peuvent passer d’une province à l’autre pour trouver du travail. L’accord sur le commerce intérieur (aci), établi en 1995 et mis à jour en 2009, exige que toutes les provinces reconnaissent la formation, les compétences et l’accréditation des travailleurs et travailleuses dans des professions réglementées afin que ceux-ci soient qualifiés pour travailler dans toutes les provinces et tous les territoires (à certaines exceptions près). En général, cela encourage la mobilité sans négliger de respecter le droit de réglementer des provinces et territoires. Il y a lieu de signaler, cependant, que la règle ne s’applique pas aux apprentis et aux autres stagiaires, dont la plupart ne peuvent pas aller achever leur formation dans une autre province.
Au niveau international, le régime de mobilité de la main-d’œuvre du Canada est beaucoup plus compliqué et pose beaucoup plus de problèmes. De nombreux programmes et accords ont des objectifs contradictoires, ce qui finit par avoir différents résultats sociaux négatifs, y compris la réduction des salaires et l’augmentation du chômage. Le programme des travailleurs étrangers temporaires (ptet) est l’un de ces programmes auxquels de très nombreuses personnes ont reproché les effets sociaux défavorables. Outre le fait que des travailleurs et travailleuses migrants qui sont entrés au Canada dans le cadre de ce programme se sont fait exploiter et n’ont guère eu de recours, le programme est devenu une béquille pour des secteurs d’activité entiers dans lesquels les employeurs ne sont pas disposés à verser des salaires appropriés à des travailleurs ou travailleuses canadiens.
De plus, le Canada met en œuvre un vaste éventail de volets du programme de mobilité internationale (pmi), moins connus que le PTET, qui facilitent l’entrée temporaire au Canada, chaque année, d’un grand nombre de travailleurs et travailleuses migrants. Par exemple, l’initiative expérience internationale canada (eic) fournit annuellement des visas « vacances-travail » à 60 000 jeunes travailleurs et travailleuses étrangers. De plus, 30 000 autres personnes entrent au Canada chaque année à titre d’employés en mutation interne (emi), de travailleurs étudiants ou de conjoints de travailleurs migrants. Au total, environ 60 % des plus de 20 000 travailleurs et travailleuses migrants qui entrent au Canada chaque année y viennent dans le cadre du PMI. À la différence du PTET, ces volets n’exigent pas l’obtention d’une étude d’impact sur le marché du travail (eimt), qui est un examen gouvernemental destiné à voir à ce que des travailleurs ou travailleuses migrants ne soient engagés que s’il existe de véritables pénuries de main-d’œuvre. L’effet que peut avoir l’afflux de toutes ces personnes sur le marché du travail est frappant, bien que l’absence de collecte de données à son sujet rende impossible d’arriver à des conclusions concrètes.
À la différence du Programme des travailleurs étrangers temporaires, que l’on élimine peu à peu en réponse aux protestations du public, les volets du PMI feront l’objet d’une expansion au cours des prochaines années. De nouveaux accords internationaux tels que l’accord économique et commercial global entre le canada et l’union européenne (aecg) accroîtront l’accès sans restriction au marché du travail canadien de certaines catégories de travailleurs et travailleuses migrants. Ces programmes et accords méritent beaucoup plus d’attention qu’ils n’en ont reçue jusqu’à présent.
Recommandations
Au Canada, les travailleurs et les travailleuses devraient avoir le droit de s’établir n’importe où pour trouver du travail. Les apprentis et les autres stagiaires devraient avoir plus de droits de mobilité qu’ils n’en ont actuellement. L’augmentation de l’investissement des employeurs dans l’acquisition de compétences en milieu de travail aidera à renforcer le marché du travail intérieur. Tant qu’il y aura des Canadiens et des Canadiennes qui cherchent du travail, les pénuries de main-d’œuvre qualifiée ou autre à long terme ne devraient pas être comblées par le recours à des travailleurs et travailleuses migrants temporaires.
S’il existe des pénuries légitimes de main-d’œuvre spécialisée à court terme ou si les pénuries de main-d’œuvre à long terme ne peuvent pas être comblées grâce à l’investissement dans le marché du travail intérieur, il faut absolument que des travailleurs ou travailleuses d’autres pays puissent entrer au Canada. Toutefois, ces personnes devraient jouir des mêmes droits et protections que les travailleurs et les travailleuses canadiens. Il est plus approprié et plus démocratique de fonder le régime canadien de mobilité de la main-d’œuvre sur un solide système d’immigration que sur la négociation d’accords commerciaux en secret.
La libre circulation de la main-d’œuvre est efficace sur le plan économique et constitue un objectif valable des politiques publiques, pourvu que l’on en comprenne les conséquences sociales et qu’on en tienne dûment compte. Pour améliorer les politiques sur la mobilité nationale et internationale de la main-d’œuvre, il faut les fonder sur de meilleures données. Les volets du Programme de mobilité internationale sont particulièrement mal contrôlés, et il y a lieu de les examiner de fond en comble et d’établir des protocoles plus rigoureux de collecte de données à leur égard.
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