Par Marie Clarke Walker
Les nombres sont stupéfiants.
À l’échelle mondiale, plus de 800 millions de femmes ont déjà subi une des formes de violence ou de harcèlement pouvant varier de l’agression physique aux propos injurieux ou à l’intimidation, selon la Confédération syndicale internationale.
Ici au Canada, une étude Angus Reid de 2018 (en anglais seulement) a révélé qu’une femme sur deux avait signalé qu’elle avait subi du harcèlement sexuel au travail. Les deux tiers des femme sondées ont indiqué qu’elles avaient été influencées personnellement par le mouvement #MoiAussi.
Le mouvement #MoiAussi a effectivement aidé à dévoiler l’envergure du problème dans le monde du travail, encourageant les femmes à le dénoncer et à réclamer justice. Bien qu’une écrasante proportion des victimes soient des femmes, les hommes ne sont pas â l’abri. Et la discrimination à l’endroit de certains groupes fait empirer la violence et le harcèlement.
Une étude du gouvernement fédéral du Canada a permis de constater que 94 % des plaintes de harcèlement sexuel en milieu de travail fédéral avaient été portées par des femmes. Cette étude a aussi indiqué que les femmes ayant un handicap ou faisant partie d’une minorité visible sont plus susceptibles que les autres de faire l’objet de harcèlement.
En réponse aux innombrables preuves de ce phénomène, le gouvernement fédéral a adopté la loi C-65 l’année dernière grâce à l’apport des syndicats et des employeurs. Cette loi est axée sur la prévention, l’intervention efficace et le soutien des employées et employés intéressés.
Ce fut un important progrès. Toutefois, aucun secteur, qu’il soit formel ou informel, public, privé ou bénévole, n’est à l’abri du fléau. Il y a un beaucoup trop grand nombre de lieux de travail où les gens courent sans cesse des risques et n’ont que peu de protection ou de soutien. C’est une des principales raisons pour lesquelles les syndicats du Canada ont lancé, en 2018, une campagne appelée #FautQueCaBouge qui comprend un appel à l’élimination de la violence et du harcèlement sexuels au travail.
Des taux élevés de violence et de harcèlement ne cessent d’être observés particulièrement dans des secteurs tels que les transports, la santé et les services sociaux (en anglais seulement), les hôtels et restaurants, les médias et le divertissement, l’agriculture ainsi que le travail ménager. La violence et le harcèlement au travail peuvent être pratiqués par des gestionnaires, des surveillants, des collègues de travail et des clients. De plus, selon une enquête menée par le Congrès du travail du Canada (CTC) et l’Université Western en Ontario, 1 travailleuse ou 1 travailleur sur 3 a déjà fait l’objet de violence conjugale, autre forme de violence qui peut affecter les gens au travail.
Ils peuvent se manifester dans le lieu de travail même, pendant des événements sociaux ou des formations associés au travail, au cours des déplacements pour se rendre au travail ou en revenir et à tout endroit où la travailleuse ou le travailleur est tenu de se trouver en raison de son travail. Les pratiques de travail abusives peuvent contribuer à la violence et au harcèlement, à plus forte raison que les taux de stress et de maladie mentale attribuables au travail sont plus élevés que jamais.
Nous avons l’occasion de prendre des mesures décisives pour tenir responsables les employeurs de tous les secteurs.
Ce mois-ci, l’Organisation internationale du Travail (OIT), organisme de l’Organisation des Nations Unies (ONU) chargé d’établir des normes juridiques mondiales sur les conditions de travail, finira de négocier une loi permettant d’interdire, de prévenir et de réparer la violence et le harcèlement. Le but est de ratifier une convention mondiale pendant la Conférence du centenaire de l’OIT qui aura lieu du 10 au 21 juin.
Si les négociations sont fructueuses, la nouvelle loi internationale imposera des responsabilités claires aux employeurs et aux gouvernements pour ce qui est de lutter contre la violence et le harcèlement dans le monde du travail. Les travailleuses et les travailleurs auront pour responsabilités de l’abstenir de se livrer à la violence et au harcèlement et de se conformer aux politiques, procédures et autres mesures prises par leur employeur pour les prévenir. Bien qu’il reste des divergences d’opinions à régler au sujet de la teneur finale de la nouvelle loi, son adoption fait l’objet d’un vaste appui auprès des syndicats, des gouvernements et de certains employeurs.
Les négociations avec les entreprises portent notamment sur l’établissement ou le renforcement de mesures telles que les congés payés pour les victimes de violence conjugale, la prestation d’un accès facile à l’information, aux conseils ou aux services de consultation et l’assouplissement des horaires de travail pour minimiser le risque de se faire traquer par son ex-conjoint violent.
La violence et le harcèlement dans le monde du travail posent un problème mondial qui nécessite des solutions mondiales.
Les négociations de l’OIT ont lieu en temps opportun, surtout que l’OIT célèbre cette année son centième anniversaire. Les syndicats menaient une campagne en vue de l’adoption de la nouvelle loi longtemps avant les pénibles révélations du mouvement #MoiAussi. Notre gouvernement et nos employeurs doivent désormais aider à faire adopter cette loi.
Aucune personne ne devrait se rendre a travail en craignant pour sa sécurité et son bien-être.
Marie Clarke Walker est la secrétaire-trésorière du CTC.