Le 3 novembre 1908, des pêcheurs se réunissent à la loge orangiste du village de Herring Neck et fondent le premier syndicat et parti politique de Terre-Neuve dont l’assise est une classe sociale. La Fishermen’s Protective Union (FPU) devient une force sociale, économique et politique dynamique sans précédent sur l’île.
Fondée par le charismatique William Coaker, la FPU veut procurer aux pêcheurs et à leurs familles une part plus importante de la richesse qu’ils génèrent. Structure démocratique et coopérative, la FPU est le premier effort d’organisation des pêcheurs en un mouvement politique dont l’assise est une classe sociale. Avec son cri de ralliement « À chacun son dû », la FPU revendique des réformes au sein de la société terre-neuvienne et la répartition équitable des richesses dans l’industrie de la pêche.
À son apogée, la FPU compte plus de 21 000 membres répartis dans 206 conseils municipaux à travers l’île, soit la majorité des pêcheurs de Terre-Neuve. Le syndicat met sur pied la Fishermen’s Union Trading Company (UTC) qui établit des commerces achetant du poisson et vendant de la marchandise aux pêcheurs à des prix équitables, libérant ces derniers de l’exploitation par la classe marchande de St. John’s. En 1916, le syndicat bâtit Port Union, seule ville en Amérique du Nord fondée par un syndicat.
En 1912, la FPU adopte la plate-forme Bonavista, un manifeste qui réclame une réforme radicale du secteur de la pêche, des mesures sociales et une réforme de la gouvernance. Le manifeste prône entre autres la commercialisation coopérative et la réglementation du secteur de la pêche, la mise en place d’un régime de retraite et d’un salaire minimum, l’accès gratuit à l’enseignement et des réformes démocratiques visant à réduire l’influence du gros capital et des nantis. L’année suivante, huit membres, dont Coaker, sont élus à la Chambre d’assemblée.
Pendant les dix années suivantes, Coaker et son parti exercent une forte influence sur les gouvernements successifs. Coaker devient ministre des Pêches en 1917. Pourtant, la situation délicate qui prévaut en temps de guerre et le refus de collaborer des entreprises d’exportation du poisson vouent la plate-forme de la FPU à l’échec. Confronté à une forte poussée antisyndicale après la fin de la Première Guerre mondiale, l’engagement politique de William Coaker faiblit. Il délaisse la politique pour se consacrer à la gestion des entreprises du syndicat.
À la fin des années 1920, l’importance de la FPU sur la scène politique s’étiole progressivement pour disparaître entièrement en 1934 avec la crise politique. Le syndicat poursuit dès lors ses activités et la gestion de ses entreprises au profit des pêcheurs et des ouvriers forestiers. Il persiste jusqu’en 1977 où il fait faillite et ses derniers magasins sont vendus.
Si certains considèrent la FPU comme un échec, d’autres reconnaissent la valeur historique de ce syndicat qui a transformé les conditions de vie et de travail à Terre-Neuve. La FPU en a fait plus pour les travailleurs et leurs familles qu’aucun autre mouvement politique, passé ou présent.
Aujourd’hui, la province, les syndicats, les conseils du travail et l’exécutif de la Fédération du travail de Terre-Neuve-et-Labrador continuent de s’inspirer de l’œuvre de la FPU.