Justice sociale et démocratie

Effondrement de l’usine au Bangladesh en 2013 et responsabilité des entreprises au Canada

24 avril 2014

Le très honorable Stephen Harper, C.P., député
Premier Ministre du Canada
Cabinet du Premier ministre
80, rue Wellington
Ottawa (Ontario)
K1A 0A2

Monsieur le Premier Ministre,

Le 24 avril marquera le premier anniversaire de l’effondrement de l’usine Rana Plaza au Bangladesh, où plus de 1 100 travailleuses et travailleurs ont trouvé la mort et des milliers d’autres ont été blessés. Nous demandons instamment au gouvernement du Canada de s’assurer que les entreprises canadiennes signent l’Accord sur la sécurité incendie et des bâtiments au Bangladesh et que le Canada use de son autorité, de son pouvoir d’achat, de ses pouvoirs en matière de réglementation et de diplomatie, et de ses relations commerciales, pour empêcher que n’adviennent d’autres tragédies telles que celle du Rana Plaza.

Bien que le gouvernement du Canada se soit engagé à contribuer huit millions de dollars au Plan d’action national tripartite sur la sécurité incendie et des bâtiments pour développer l’expertise technique et le matériel nécessaires à l’évaluation préliminaire de 2 000 usines, de sérieux risques demeurent pour la santé et la sécurité des travailleuses et des travailleurs au Bangladesh. S’attaquer aux risques demandera aux gouvernements de faire des efforts et de collaborer avec le secteur privé, les organisations internationales et les syndicats.

À la suite de la tragédie du Rana Plaza, plus de 150 entreprises internationales du vêtement et syndicats ont décidé de mettre en œuvre l’Accord. Il s’agit d’une importante étape dans l’amélioration de la sécurité des travailleuses et des travailleurs au Bangladesh. Malgré quelques initiatives mises en place volontairement par des entreprises privées, aucun autre programme ne saurait répondre à l’urgence d’opérer des réformes en matière de santé et de sécurité dans l’industrie du vêtement au Bangladesh. Malheureusement, une seule entreprise canadienne s’est réellement engagée à améliorer les conditions de travail au Bangladesh en signant l’Accord.

Le Congrès du travail du Canada (CTC) écrira à plus de 130 entreprises canadiennes pour leur demander de signer l’Accord. Nous vous prions, en tant que Premier ministre, de convaincre les entreprises canadiennes d’améliorer la sécurité des travailleuses et des travailleurs chez leurs fournisseurs à l’étranger.

Nous demandons notamment au gouvernement du Canada :

  • De soutenir publiquement l’Accord et d’inviter les entreprises canadiennes à le signer sans délai;
  • D’adopter des politiques d’achat responsables en matière de marchés publics qui obligent les entreprises à s’assurer que leurs fournisseurs respectent les conventions fondamentales de l’Organisation internationale du Travail (OIT), et dans le cas d’importations du Bangladesh, à signer l’Accord;
  • D’adopter une réglementation obligeant les marques et les revendeurs de vêtements à divulguer le nom et l’emplacement des usines où sont fabriqués leurs produits pour garantir la transparence et empêcher la dissimulation de mauvaises pratiques patronales aux yeux des consommateurs.

Le gouvernement du Canada doit jouer un rôle de premier plan dans l’élaboration d’une réglementation sur les échanges commerciaux et les investissements qui encadre les activités des entreprises. Une réglementation sur les échanges commerciaux permettrait de renforcer les systèmes d’inspection locaux, indispensables à la pérennité des changements au Bangladesh. Ainsi, la suspension des préférences commerciales par les États-Unis vis-à-vis du Bangladesh a eu pour effet d’accélérer l’embauche prévue de deux cents nouveaux inspecteurs du travail par le gouvernement du Bangladesh. À défaut de renforcer les mesures relatives à la responsabilité des entreprises au Canada, nous continuerons d’être complices de tragédies telles que celles advenues au Bangladesh et ailleurs.

En outre, nous demandons instamment au gouvernement du Canada :

  • De remplacer le Bureau du conseiller en responsabilité sociale des entreprises (RSE), qui s’est avéré inefficace jusqu’à présent, par un médiateur indépendant dont les pouvoirs d’enquête ne se limiteraient pas au secteur minier mais s’étendraient également à l’industrie du vêtement;
  • De donner aux ressortissants étrangers lésés par les activités des entreprises canadiennes un statut juridique leur permettant de demander réparation devant les tribunaux canadiens;
  • D’exiger que les pays respectent les normes de travail fondamentales de l’OIT, pour pouvoir prétendre au Tarif de préférence général du Canada, en introduisant l’obligation d’effectuer l’examen régulier du rendement du pays et en autorisant la soumission d’observations de tiers.

Enfin, le Canada doit pratiquer sur son territoire ce qu’il prêche à l’étranger. Le Canada et le Bangladesh ont tous deux ratifié la majorité des conventions fondamentales de l’OIT mais les plaintes à l’OIT pour violation ont monté en flèche et les relations industrielles établies de longue date continuent de faire l’objet de critiques dans les deux pays. Par exemple, alors que le Bangladesh et le Canada ont ratifié la convention no 144 de l’OIT sur les consultations tripartites portant sur les normes du travail, il y a peu de dialogue entre le gouvernement, les représentants du patronat et les syndicats dans les deux pays. Dans la mesure où cette convention sert à instaurer un dialogue constructif entre partenaires sociaux, indispensable à l’amélioration durable des conditions de travail dans les deux pays, nous demandons au gouvernement du Canada de la défendre vigoureusement tant au pays qu’à l’étranger.

Nous vous prions, Monsieur le Premier Ministre, d’user du pouvoir du Canada, de son pouvoir d’achat, de ses pouvoirs en matière de réglementation et de diplomatie, et de ses relations commerciales, pour empêcher toute tragédie future telle que celle du Rana Plaza, en commençant par soutenir publiquement l’Accord sur les mesures de sécurité ayant attrait aux incendies et aux bâtiments au Bangladesh.

Je vous prie d’accepter, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de mes sentiments les plus distingués.

Le président,

Kenneth V. Georgetti

Les organisations ci-dessous ont approuvé le contenu de la présente lettre :

Fédération du travail de l’Alberta
Amnistie internationale
Fédération du travail de la Colombie-Britannique
Syndicats des fonctionnaires provinciaux et de service de la Colombie-Britannique
Fédération des enseignantes et enseignants de la Colombie-Britannique
Association canadienne des professeures et professeurs d’université
Fédération canadienne des syndicats d’infirmières et d’infirmiers
Syndicat canadien de la fonction publique
Centre international de solidarité ouvrière
Confédération des syndicats nationaux
Escuela Nacional Sindical
Fédération des travailleuses et travailleurs du Québec
Conseil du travail de Fort McMurray et du district
Global Foundation for Sustainable Development and Social Harmony
Conseil du travail de Guelph et du district
Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale
Conseil du travail de Lindsay et du district
Fédération du travail du Manitoba
Maquila Solidarity Network
Syndicat national des employées et employés généraux et du secteur public
Fédération du travail de Terre-Neuve et du Labrador
Fédération du travail des Territoires du Nord
Association des enseignantes et enseignants catholiques anglo-ontariens
Fédération du travail de l’Ontario
Associations des infirmières et infirmiers de l’Ontario
Syndicat des employé(e)s de la fonction publique de l’Ontario
Operating Engineers Training Institute of Ontario
Oxfam Canada
Professionals, Finance & Service Section General Workers Of Malta
Alliance de la fonction publique du Canada
Réponse citoyenne
Thompson Labour Committee (Comité sur le travail de Thompsom)
Conseil du travail de Toronto et de la région de York
Unifor
Syndicat international des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce
Syndicat des Métallos
Conseil du travail de Vancouver et du district
Conseil du travail de Wood Buffalo et du district

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