Les droits des personnes ayant un handicap peuvent-ils être maintenus dans une « uber-économie »?
On entend partout parler de l’économie « gig » ou « collaborative », surtout lorsqu’il s’agit d’applications de covoiturage comme Uber. Le débat public a plutôt porté sur les questions de sécurité publique, de service à la clientèle, d’assurances et de fiscalité. Et avec raison. La capacité d’Uber de contourner la réglementation menace non seulement la survie de tout un secteur, mais elle intensifie l’attaque corporative globale en matière de protections du travail, de fiscalité équitable, de systèmes réglementaires et d’avenir du travail décent. Une question qui ne semble toutefois pas susciter suffisamment d’attention dans l’« Uber-débat » est celle du transport accessible et des droits des personnes ayant un handicap.
La législation concernant les taxis accessibles varie selon les municipalités, et la ville d’Ottawa en est un bon exemple car elle mène actuellement un examen de sa réglementation sur les taxis afin de tenir compte de l’apparition de nouveaux modèles d’affaires comme Uber. Heureusement, l’évaluation de l’accessibilité fait partie des principes directeurs de cet examen.
Les taxis jouent un rôle primordial au sein du réseau de transport accessible d’Ottawa et la ville a grandement augmenté le nombre de taxis accessibles. Le règlement sur les taxis prévoit actuellement que 15 % de tous les taxis sont accessibles, interdit les pratiques discriminatoires et exige que les chauffeurs de taxi suivent un programme de formation sur les services accessibles.
Ce règlement s’est avéré efficace. Il existe actuellement 187 plaques pour taxis accessibles à Ottawa, qui représente 15,7 % du parc de taxis de la ville. Coventry Connections, le principal répartiteur de taxis d’Ottawa, a conclu une entente avec Para Transpo permettant d’assurer la disponibilité de suffisamment de véhicules accessibles pour garantir le même niveau de service, les mêmes niveaux de tarif et des temps d’attente semblables pour les personnes à mobilité réduite. La ville d’Ottawa se classe parmi les villes nord-américaines ayant la plus grande proportion de taxis accessibles. Il y a de quoi être fier.
Uber n’offre pas de services accessibles à Ottawa.
Il existe, bien entendu, des coûts additionnels associés au maintien des véhicules accessibles et à l’accès à des services accessibles, et c’est pourquoi la structure de réglementation actuelle accorde des avantages à offrir de tels services. L’entrée d’Uber sur le marché menace ce système, non seulement en faussant le taux de taxis accessibles, mais en imposant un fardeau supplémentaire sur les chauffeurs autorisés qui fournissent ces services. Permettre aux chauffeurs d’Uber de ne sélectionner que les trajets les plus « faciles » crée des conditions inégales, menace le réseau de transport accessible d’Ottawa et a une incidence négative à la fois sur le revenu des chauffeurs et les droits des personnes ayant un handicap.
Il est important que les résultats de l’examen de la réglementation sur les taxis d’Ottawa permettent de fixer des normes élevées pour le transport accessible, sans reproduire les erreurs commises dans d’autres municipalités. Les propositions touchant la réglementation à Toronto, Edmonton et Waterloo ne contenaient pas de dispositions en matière d’accessibilité des services ou exigeaient que les demandes de services accessibles soient transmises à un autre fournisseur. C’est inacceptable.
Le système de tarification d’Uber, qui est fondé sur l’offre et la demande, est fondamentalement discriminatoire envers les personnes ayant un handicap qui ont besoin de véhicules accessibles. En l’absence de mesures de protection suffisantes, l’arrivée d’Uber amènera certainement une diminution de la qualité de l’accessibilité des réseaux de transport, nuisant ainsi aux droits des personnes handicapées.
Tandis que les municipalités canadiennes sont aux prises avec des problèmes de réglementation liés aux activités illégales d’Uber, les « efforts » d’application de la loi continuent d’être un échec monumental, permettant à Uber de poursuivre son expansion. Le gagne-pain des chauffeurs de taxi autorisés a été considérablement réduit et un dangereux précédent a été établi en matière de systèmes réglementaires qui permettent de protéger la sécurité publique, de promouvoir le travail décent et d’assurer des pratiques d’entreprise éthiques. Ne laissons pas les droits des personnes ayant un handicap devenir les prochaines victimes de l’uber-économie.