Emplois, économie et environnement

Budget fédéral 2014 – Qu’est-ce qu’on en retire?

12 février 2014

Analyse du budget fédéral de 2014

Qu’est-ce qu’on en retire?

Introduction

Le Budget fédéral 2014 est totalement dépourvu de vision sur la façon d’enrayer les inégalités croissantes et de stimuler l’économie.

Les Conservateurs continuent de se concentrer sur des mesures d’austérité pour équilibrer leur budget en 2015 et leurs espoirs de croissance économique reposent sur des réductions d’impôts accordées sans conditions aux entreprises. Mais ce plan n’offre pas les investissements promis dans la recherche et le développement, l’outillage et la formation nécessaires à la création d’emplois mieux rémunérés et plus sûrs.

En compensation, ce budget présente une myriade de petites mesures, limitées et ciblées, dans le domaine de la recherche et du développement et de la formation, il propose la création de stages au lieu d’emplois décents, le tout financé par des réductions budgétaires supplémentaires, telles que les réductions au régime maladie des employés fédéraux et l’augmentation des coûts des prestations aux retraités.

Globalement, les dépenses du gouvernement fédéral seront inférieures en 2014-15 à celles de cette année, ralentissant d’autant la croissance économique et la création d’emplois.

Le contexte économique et fiscal

Les plus importantes difficultés d’ordre économique auxquelles sont confrontés les Canadiens et Canadiennes ne sont pas les déficits des gouvernements ou l’équilibre budgétaire avant les prochaines élections fédérales. Les difficultés les plus pressantes auxquelles sont confrontés les Canadiens et Canadiennes sont la lenteur de la reprise économique, le ralentissement du marché du travail, les niveaux records d’endettement des ménages, en plus de la protection inadéquate qu’offre le régime de l’assurance-emploi et l’absence de sécurité à la retraite. Les Canadiens et les Canadiennes s’attendaient à ce que leur gouvernement fédéral règle ces problèmes dans le budget fédéral de 2014.

Au lieu de cela, le budget se maintient sur une lancée qui n’a rien apporté à la majorité de la population canadienne.

La reprise économique au Canada a été plus faible que prévue en raison de la faiblesse des investissements commerciaux, de l’endettement élevé des ménages et d’une faible croissance de l’économie mondiale. Le nombre d’exportations moins élevé que prévu, le recul dans le nombre de mises en chantier et la dette des ménages à un sommet historique, en plus des restrictions budgétaires actuelles, ont des conséquences négatives sur la croissance économique et le marché du travail du Canada.

Le Budget fédéral offre un bilan solide en matière de création d’emplois par rapport aux autres pays du G-7. Mais la croissance de l’emploi au Canada n’a pas suivi le rythme de croissance de la population. Le Canada a connu une croissance démographique plus importante que beaucoup de ces pays, et en matière d’augmentation du nombre de demandeurs d’emploi, le Canada se retrouve en queue de peloton. La croissance de l’emploi a stagné en 2013, en particulier pour les travailleuses et travailleurs âgés de moins de 55 ans.

Le taux de chômage au Canada reste plus élevé qu’il ne l’était avant la grande récession, s’élevant à 7,0 % en janvier 2014, soit plus de 1,3 millions d’individus. Il est également décourageant pour de nombreux chômeurs et chômeuses au Canada de chercher de l’emploi lorsqu’il y a 6 personnes cherchant de l’emploi pour chaque poste vacant. Le taux de personnes sous-employées, qui comprend les travailleurs et travailleuses sous-employés à temps partiel et les demandeurs d’emploi découragés, était de 14 % en janvier 2014, soit le double du taux officiel.

Les exportations ont été lentes à se redresser après la récession, et les prévisions de croissance économique plus forte ont été revues à maintes reprises. Pourtant, des signes d’amélioration de la croissance économique mondiale et des réajustements à la valeur du dollar canadien ont suscité des prévisions quelque peu plus enthousiastes pour notre économie, soit entre 2,2 % et 2,5 % pour 2014. Ces prévisions sont fondées sur une augmentation de la demande mondiale, qui profite au Canada grâce à l’augmentation de ses exportations. Même si cette croissance se matérialise, des améliorations au niveau des exportations sont nécessaires, mais elles sont insuffisantes pour apporter des améliorations en termes d’économie et de main-d’œuvre.

Une synthèse entre le développement économique intelligent et le développement pro-actif de la main-d’œuvre est indispensable pour relever les défis auxquels le Canada fait face aujourd’hui et dans le futur. Les taux de chômage élevés, la faible croissance de la productivité, les changements technologiques rapides et le vieillissement de la population posent de graves difficultés au Canada. Nous devons les résoudre pour maintenir et améliorer notre bien-être économique et social.

Le Congrès du travail du Canada a appelé à l’action dans cinq domaines pour aider à créer une économie prospère et équitable en 2014 et au-delà: la formation et le développement des compétences, l’infrastructure, la sécurité des revenus, la sécurité des retraites et la fiscalité équitable.

A. Formation et développement des compétences
Ce qu’il faut :

Le succès économique et la prospérité future du Canada reposent sur les aptitudes d’une main-d’œuvre qualifiée et instruite. Malheureusement, au Canada, la moyenne d’heures consacrées à la formation professionnelle non formelle liée à l’emploi des travailleurs et les investissements par les employeurs dans la formation professionnelle en général se situent sous la moyenne de l’OCDE. En termes de taux de participation des adultes à la formation professionnelle non formelle, nous nous situons également loin derrière nombre de nos grands concurrents de l’OCDE, parmi lesquels les États-Unis, l’Allemagne, la Norvège, la Belgique et le Danemark.

Ce qu’il faut, c’est une stratégie de développement des compétences pour répondre à la pénurie grandissante de main-d’œuvre qualifiée, au vieillissement de la main-d’œuvre et à la nécessité d’augmenter les possibilités éducatives des groupes tels que les Autochtones, les nouveaux immigrants et les jeunes.
Ce qu’il faut, c’est une meilleure collaboration entre tous les intervenants dans le développement des compétences, davantage d’informations de meilleure qualité sur le marché du travail et une meilleure planification du marché du travail.

Nous devons investir davantage dans la formation des travailleurs et des travailleuses au Canada plutôt que d’aider les employeurs à faire venir davantage de travailleurs et de travailleuses migrants vulnérables. Nous n’avons surtout pas besoin que de l’argent soit puisé des programmes déjà axés sur des problèmes spécifiques en matière d’intégration au marché du travail, comme le soutien aux personnes sans emploi ou sous-employées en matière de lecture et de calcul, et de voir cet argent reversé aux employeurs sous forme de subventions.

L’objectif devrait être d’investir dans une main-d’œuvre la mieux formée, qualifiée, inclusive et adaptable au monde. Ce qu’il faut, c’est que le Budget fédéral 2014 investisse dans neuf catégories stratégiques pour  que le Canada devienne et reste une super-puissance en matière d’apprentissage :

1) Un nouveau fonds pour l’éducation préscolaire et les services de garde à la petite enfance. Le programme devrait collaborer avec les gouvernements des provinces et territoires pour assurer à toutes les familles canadiennes l’accès à des services d’éducation préscolaires et à des garderies abordables et de qualité, disponibles où et quand l’on en a besoin.

2) Prévoir des investissements stables, prévisibles, durables et équitables dans l’éducation des membres des Premières nations. Cela exige d’investir immédiatement dans le financement des établissements préscolaires pour combler le fossé financier, en indexant annuellement ces investissements afin de prévenir leur réduction dans le temps. Il faut également prévoir un financement pour soutenir les organisations d’éducation régionales des Premières nations existantes et pour en créer de nouvelles là où elles sont nécessaires. Les investissements dans le système d’éducation des Premières Nations doivent inclure le financement de programmes linguistiques et culturels, aider à l’entretien des écoles existantes et permettre la construction de nouvelles écoles. Le gouvernement fédéral doit mener en permanence un dialogue constructif qui respecte le contrôle des Premières Nations sur l’éducation des Premières Nations.

3) Le budget fédéral doit accroître les fonds consacrés aux ententes sur le marché du travail (EMT) conclues avec les provinces et les territoires afin que ces fonds puissent être répartis plus largement. Les programmes EMT donnent priorité aux besoins des personnes vulnérables au chômage qui sont sous-représentées dans la population active, y compris les immigrants, les Autochtones, les personnes handicapées, les femmes, les travailleuses et travailleurs âgés et les personnes moins qualifiées. Une récente étude menée par Emploi et Développement Social Canada confirme la réussite de ces programmes :  87 % des participants ont trouvé un emploi, 72 % ont gagné un meilleur salaire hebdomadaire et 87 % ont reçu un diplôme.

4) Augmenter le financement des ententes sur le développement du marché du travail (EDMT) qui transfèrent des fonds de l’assurance-emploi (AE) aux provinces et aux territoires à des fins de programmes de formation et de perfectionnement des compétences à l’intention des prestataires de l’assurance-emploi.  En vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, un maximum de 4,3 milliards de dollars peut être consacré à la formation cette année, mais seulement 2 milliards de dollars seront réellement dépensés. De plus, selon le directeur parlementaire du budget, le fonds de l’assurance-emploi générera un important excédent annuel pour les années à venir.

5) Élargir l’admissibilité aux programmes de formation et de perfectionnement des compétences offerts par l’AE dans le cadre des EDMT pour qu’un plus grand nombre de travailleuses et de travailleurs puissent se mettre à niveau. Il doit permettre aux travailleuses et aux travailleurs ayant accumulé 360 heures de travail de s’inscrire aux programmes de formation de l’EDMT. Il doit également permettre aux travailleuses et travailleurs salariés de bénéficier des prestations de l’assurance-emploi pour les congés d’éducation et de formation dans le cadre d’un plan de formation officiel. Cela représenterait une prolongation des dispositions actuelles de la formation en apprentissage au titre de l’assurance-emploi, qui offrent un soutien financier aux apprentis pendant la partie théorique de leur formation.

6) Investir de l’argent frais dans le programme Subvention canadienne pour l’emploi. Le gouvernement fédéral doit abandonner son projet de financer le programme Subvention canadienne pour l’emploi au moyen de ponctions sur les fonds dévolus aux programmes de formation des EMT et des EDMT, destinés à venir en aide aux travailleurs et travailleuses vulnérables, sans emploi et peu qualifiés.

7) Il doit investir de manière à favoriser l’apprentissage, le recrutement, l’embauche, la formation et l’accroissement des taux d’achèvement. Il doit s’assurer que l’aide au revenu fourni aux apprentis en vertu du programme d’assurance-emploi correspond effectivement à leurs besoins en éliminant la période d’attente et/ou le processus de pré-approbation des prestations d’assurance-emploi pour les apprentis. Il doit aussi collaborer en partenariat avec les syndicats pour créer des programmes qui permettront d’accroître la participation des femmes dans les métiers spécialisés.

8) Il doit revenir à un système d’immigration solide et permanent et adopter des mesures visant à prévenir l’exploitation par les employeurs des travailleurs migrants du Programme des travailleurs étrangers temporaires. Il doit s’assurer que tous les immigrants au Canada reçoivent une certification canadienne des compétences fondée sur une évaluation efficace, objective et transparente des diplômes et de l’expérience professionnelle acquis à l’étranger.

9) Enfin, le Budget fédéral 2014 doit investir dans une meilleure information sur le marché du travail et une plus grande collaboration entre les acteurs dans le domaine du perfectionnement des compétences, et il doit établir un Forum national de partenaires du marché du travail qui réunit les syndicats, les entreprises, le gouvernement et le secteur de l’éducation.

Ce qu’il y a dans le budget :

Il existe de multiples initiatives ciblées dans le budget 2014 pour la formation et le perfectionnement des compétences. Malgré le fait que les affirmations nombreuses relatives à une importante pénurie de compétences aient été à maintes reprises réfutées par les économistes, le gouvernement axe les programmes de ce budget sur l’hypothèse d’un trop grand nombre d’emplois non pourvus. Comme dans le cas d’autres budgets fédéraux récents, ce budget ne mentionne pas la plupart du temps d’argent nouveau, il répète plutôt ce qui a déjà été annoncé ou il réaffecte des fonds.

1. Financement de la Loi donnant aux Premières Nations le contrôle de l’éducation des Premières Nations – le budget alloue aux Premières Nations 120 millions de dollars pour l’enseignement de la maternelle jusqu’à la 12e année ainsi que pour la construction et la réparation des écoles, à partir de 2015-2016. De nombreux détails de cette loi sont encore à préciser, mais il reste à espérer que ce financement est un pas dans la bonne direction pour les jeunes des Premières Nations.

2. Formation pour les travailleuses et travailleurs vulnérables :

Ce budget ne contient aucune mention sur le financement des ententes sur le marché du travail, qui prennent fin cette année. Il semble que le gouvernement fédéral reste déterminé à utiliser cet argent pour financer son programme Subvention canadienne pour l’emploi, qui selon le budget sera mis en œuvre le 1er avril, avec ou sans la participation des provinces.
Le financement des ententes sur le marché du travail pour les personnes handicapées a été annoncé dans le Budget 2013. Notamment, la formation professionnelle pour les personnes atteintes de troubles du spectre autistique sera financée par Autism Speaks Canada et la Sinneave Family Foundation.

3.  Développement du marché du travail :

Le Compte de l’assurance-emploi était excédentaire en 2013 et il devrait l’être à nouveau en 2014. Les cotisations à l’assurance-emploi ont été gelées jusqu’en 2016 – 2017. En dépit de la forte demande pour des formations, le gouvernement fédéral a ignoré les appels pour augmenter le financement des EDMT ou élargir l’accès aux programmes EDMT.
L’Initiative ciblée pour les travailleurs âgés – le Budget 2014 renouvelle le programme lancé en 2006, au coût de 25 millions de dollar par an pendant 3 ans. Ce programme répond aux besoins des travailleuses et travailleurs de plus de 55 ans qui ont été touchés par des réductions drastiques d’effectifs ou des fermetures d’usines. Des programmes de seconde chance sont nécessaires et importants, mais ils ne devraient pas se limiter aux personnes de plus de 55 ans, car les travailleuses et travailleurs de moins de 55 ans ont connu des moments très difficiles pendant cette longue période de récupération.
Le Jumelage d’emploi et la Banque nationale de l’emploi – la Banque nationale de l’emploi fait l’objet d’améliorations régulières pour porter la technologie au 21e siècle, mais de nombreuses personnes n’y ont pas accès et le programme ne règle pas le problème du chômage très élevé par rapport au nombre d’emplois vacants auquel sont confrontés de nombreux travailleurs et travailleuses au Canada.

4. Ce budget fait de modestes efforts pour aider les apprentis au moyen de plusieurs programmes ciblés :

Le délai de carence de l’AE s’appliquera dorénavant uniquement à la première période de formation théorique d’un apprenti et il sera supprimé pour toute formation ultérieure. Toutefois, les prestations d’assurance-emploi pour les apprentis ne seront pas pré-approuvées, ce qui entraînera pour de nombreux apprentis d’importants retards dans la réception de leurs prestations.

Le Programme canadien de prêt aux apprentis – il s’agit de 100 millions de dollars en prêts sans intérêt pour les apprentis ayant reçu pour la première fois la mention Sceau rouge. Le programme est géré par l’intermédiaire du Programme canadien de prêts aux étudiants. Les apprentis pourront demander jusqu’à 4 000 $ maximum par période de formation technique, et le programme devrait aider 26 000 apprentis chaque année.
Investir dans la formation technique des apprentis – Il s’agit d’un projet pilote visant à examiner de nouvelles façons d’offrir des formations techniques et de réduire les obstacles non-financiers à achèvement de la formation d’apprenti. Cela comprend l’apprentissage à distance et par voie électronique ainsi que l’emploi de simulateurs en classe.

5. Le chômage des jeunes – La Stratégie emploi jeunesse du gouvernement fédéral, en place depuis 2006, touche à peine la pointe de l’iceberg des jeunes travailleurs et travailleuses en difficulté au Canada. Le présent budget annonce plusieurs initiatives alléchantes, mais qui ont peu de chances de résoudre les problèmes structurels auxquels sont confrontés les jeunes travailleurs et travailleuses aujourd’hui et à l’avenir.

Le Programme canadien des accélérateurs et des incubateurs – 10 millions de dollars par année pendant 4 ans ont été ajoutés au financement déjà annoncé, pour un financement total de 100 millions de dollars. Les organisations à but lucratif et non lucratif feront des demandes de fonds pour encadrer les jeunes entrepreneurs.

Stages dans les domaines à forte demande – 30 millions de dollars sur deux ans ont été alloués à un programme d’aide à la recherche industrielle, qui permettront de financer des stages scientifiques dans des petites et moyennes entreprises. Les 10 millions de dollars sur deux ans seront gérés par la Stratégie emploi jeunesse.

Des stages rémunérés dans des petites et moyennes entreprises seront financés grâce à la réaffectation de 15 millions de dollars par année de fonds provenant de la Stratégie emploi jeunesse, pour un maximum de 1 000 stages pour de récents diplômés de niveau postsecondaire.

Élimination des véhicules dans l’évaluation des demandes de prêt canadien aux étudiants – il existe actuellement une limite d’exemption de 5 000 $ pour les véhicules lorsque les étudiants présentent la liste de leurs actifs sur le formulaire de demande de prêt fédéral aux étudiants. Les étudiants n’auront plus à inclure la valeur de leur véhicule, pour un coût annuel prévu de 7,8 millions de dollars.
Femmes entrepreneures – 150 000 $ sont consacrés à l’étude du développement du mentorat parmi les femmes entrepreneures.

6. Immigration

En s’appuyant sur les réformes du Programme des travailleurs étrangers temporaires en 2013, le budget consacre 11 millions de dollars sur deux ans pour limiter le programme dans les zones à fort taux de chômage et inciter les employeurs à employer la main-d’œuvre canadienne. Peu de détails sont fournis sur comment cela pourrait se faire.

Ce budget remplace le programme fédéral d’immigration des investisseurs et des entrepreneurs, désormais supprimé, par un projet pilote de visa pour entrepreneurs étrangers voulant investir avec l’appui d’un fonds canadien de capital-risque. Les détails du projet pilote ne sont pas fournis.

Déclaration d’intérêt – ce programme permettrait aux gouvernements et aux employeurs de cibler des personnes hautement qualifiées intéressées à venir au Canada. Les déclarations d’intérêt seraient triées et classées, et le gouvernement et les employeurs pourraient examiner les candidats en fonction de leurs besoins sur le marché du travail.

7. Améliorations de l’information sur le marché du travail – la prémisse centrale de ce budget est fondée sur des données anecdotiques provenant d’employeurs selon lesquelles il existe une pénurie de compétences, plutôt que sur une analyse critique des preuves. Malgré le besoin crucial de meilleures informations sur le marché du travail, ce budget est complètement silencieux sur la question. Des politiques fondées sur des évaluations partiales et des informations peu fiables ont peu de chances de répondre aux besoins réels. Le Canada fait face à de réels problèmes au niveau du marché du travail qui exigent du gouvernement fédéral la mise en place de politiques, mais ce budget échoue en grande partie à y répondre car le gouvernement refuse d’examiner les preuves.

B. Infrastructure pour une bonne économie d’emplois
Ce dont nous avions besoin :

Des investissements accrus dans les infrastructures permettent d’accroître la productivité du Canada tout en tenant compte des besoins de la population canadienne. Le CTC demandait au gouvernement fédéral de lancer, en partenariat avec les provinces et les villes, un vaste programme d’investissement public, échelonné sur plusieurs années. Un tel programme permettrait de soutenir davantage l’infrastructure municipale de base et l’infrastructure des Premières nations, le transport en commun et le transport ferroviaire de passagers, le logement abordable, les services de garde abordables et de qualité, les économies d’énergie par la modernisation des édifices et les projets d’énergie renouvelable.

Le Budget fédéral 2014 devrait encourager la production à valeur ajoutée et les investissements dans des secteurs clés, ainsi que les initiatives favorisant les compétences vertes et les emplois verts, qui permettront de rehausser l’innovation, d’améliorer la formation et d’accroître la productivité de la main-d’œuvre.

Le gouvernement fédéral peut prendre l’initiative dans les secteurs et industries dont les perspectives en matière d’innovation technologique sont prometteuses et fondées sur des possibilités de croissance, l’augmentation de la productivité, des revenus supérieurs à la moyenne, la durabilité de l’environnement et le volume des exportations.

Le CTC appuie des mesures ciblées permettant de soutenir et de créer de bons emplois manufacturiers et de maximiser la création d’emplois dans les industries liées au secteur des ressources et de l’économie verte.

Nous devons inclure l’ensemble des intervenants clés, secteur par secteur, industrie par industrie, dans l’étude de la croissance potentielle et des besoins. Nous devons investir dans une économie reposant sur une main-d’œuvre hautement qualifiée où la croissance et la richesse sont partagées équitablement, favorisant la création d’emplois mieux rémunérés et plus sûrs.

Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent aider à la transition vers une économie plus durable en soutenant la recherche et le développement, les programmes d’éducation et de formation, les projets de démonstration tels que la rénovation de bâtiments publics, les programmes de rénovation de logements abordables et de logements locatifs, ainsi que d’autres initiatives qui démontrent le potentiel d’emploi d’une économie plus durable.

Ce qu’il y a dans le budget :

Le Budget fédéral 2014 ne montre pas le leadership nécessaire pour bâtir l’infrastructure future du Canada de manière à soutenir une croissance économique productive et durable. Pour un total d’environ 1 milliard de dollars d’investissements annoncés, la plupart des fonds seront consacrés à la réparation, la reconstruction ou le remplacement des infrastructures actuelles, tels que le pont Champlain à Montréal (117 millions de dollars en 2014-15) ou le corridor Windsor-Detroit ( 195 millions de dollars en 2014-15), et à des mesures déjà annoncées, telles que le soutien à l’industrie automobile canadienne, à hauteur de 250 millions de dollars en 2014-15. Les autres mesures concernent des projets de recherche et de développement ciblés et limités.

C. L’assurance-emploi (AE)
Ce dont nous avions besoin :

L’assurance-emploi est un complément nécessaire à la formation et au perfectionnement des compétences; c’est aussi une stratégie pour des emplois meilleurs.

Dans son budget 2012, le gouvernement conservateur a pris des mesures qui empêchent un plus grand nombre de sans-emploi de percevoir ou de continuer à percevoir des prestations d’AE entre deux emplois. Les travailleurs saisonniers et temporaires sont directement touchés, bon nombre d’entre eux de jeunes travailleurs et des femmes.

Ces modifications ont permis au gouvernement fédéral d’économiser de l’argent qui a servi à combler le déficit en avance sur le calendrier établi. Le rapport actuariel sur l’assurance-emploi avait projeté que le taux de protection de l’assurance-emploi serait revenu à la moyenne de 43 % enregistrée sur les cinq années précédant la récession, mais le taux de protection a au contraire atteint son niveau le plus bas à 37 %. Les économies réalisées grâce à la baisse du taux de protection ont permis au gouvernement fédéral de combler plus rapidement le déficit, au détriment des chômeurs et des chômeuses.

Ottawa devrait supprimer les dernières modifications apportées au programme d’assurance-emploi. Le budget devrait en outre permettre d’améliorer l’accès à l’AE. Actuellement seulement 37 % des chômeurs canadiens touchent des prestations d’assurance-emploi. Le CTC incite le gouvernement à mettre en œuvre une période de référence de 360 heures uniforme à l’échelle nationale, à porter le niveau des prestations de 55 % à 60 % des gains assurables et à fonder le calcul des prestations et de leur durée sur une semaine de travail de 30 heures.

Ce qu’il y a dans le budget :

Le budget contient très peu de mesures relatives à l’assurance-emploi. Le taux de cotisation restera bloqué à 1,88 $ jusqu’en 2016-2017 et l’on prévoit qu’il baisse à 1,47 $ en 2017-2018. Le compte d’exploitation a enregistré un excédent de 3,1 milliards de dollars pour l’année 2013, et il est prévu que l’excédent annuel se chiffrera à 3,6 milliards de dollars en 2014. Les excédents annuels servent à combler le déficit accumulé pendant la récession. Le montant restant dû au gouvernement fédéral devrait être remboursé à temps pour 2015.

Un seul changement à l’assurance-emploi est proposé : l’accès facilité aux prestations de maladie pour les parents d’enfants gravement malades. Le coût estimé est d’environ 1,2 million de dollars par an.

D. Sécurité des retraites
Ce dont nous avions besoin :

En raison de la stagnation des salaires et du taux d’endettement personnel très élevé de plus de 160 % du revenu, les Canadiens et Canadiennes ont du mal à épargner suffisamment pour la retraite. Le CTC appelle à la prise de mesures concrètes pour accroître la sécurité des retraites des travailleurs et travailleuses du Canada.

S’engager à améliorer le Régime de pensions du Canada, reconnaître les plus de 11 millions de Canadiennes et de Canadiens sans plan de pension employeur et le fait que les salariés actuels et futurs disposant de revenus moyens ne peuvent économiser suffisamment pour la retraite.

  • Augmenter le supplément de revenu garanti pour répondre à l’augmentation de 40 % du taux de pauvreté des aînés au Canada entre 2007 et 2010.
  • Annuler l’engagement pris dans le budget 2012 de porter l’âge d’admissibilité à la Sécurité de la vieillesse(SV) et au SRG à 67 ans en avril 2023.
  • Mettre en place un plan d’action afin de dénoncer et de limiter les frais prélevés sur les fonds commun de placement, les REER collectifs et les régimes de retraite à cotisations définies, dans le cadre des initiatives du gouvernement pour améliorer l’éducation financière des Canadiennes et des Canadiens.
  • Annuler les concessions imposées sur les employés de la fonction publique fédérale dans le budget 2012 (p. ex. le relèvement de l’âge de la retraite pour les nouveaux employés, qui est passé de 60 à 65 ans) en reconnaissance de la performance du fonds en 2013, de l’amélioration probable du financement du régime de retraite de la fonction publique et des 28 milliards de dollars retirés du fonds de pension des employés de la fonction publique fédérale en 2000.

Ce qu’il y a dans le budget :

Le Budget 2014 ne reconnaît aucunement l’insuffisance de l’épargne-retraite d’un trop grand nombre de Canadiennes et de Canadiens. En outre, il rejette catégoriquement la solution sensée que préfère la majorité des Canadiennes et des Canadiens.

Alors que le reste du budget fait l’éloge du bilan économique du gouvernement fédéral, ce dernier interrogé sur la question de l’élargissement du RPC fait état de la fragilité de l’économie pour éviter de garantir la sécurité des retraites à la prochaine génération de travailleurs et de travailleuses au Canada.

« La bonification du régime… imposerait un fardeau aux employeurs et aux employés.  À titre d’exemple, doubler le taux de remplacement du RPC entraînerait une hausse estimative … pouvant atteindre 2 600 $ par employé…  Le gouvernement a entendu les préoccupations des petites entreprises et il juge que le moment serait mal choisi pour envisager une telle bonification du Régime, compte tenu de la fragilité de la reprise économique mondiale et de l’importance des petites entreprises pour la reprise économique au pays.” (Plan d’action économique 2014; p.
95).

E. – Équité fiscale
Ce dont nous avions besoin :

En raison des réductions d’impôt qui ne cessent d’être consenties aux entreprises, l’impôt sur le revenu des entreprises constitue une part décroissante des recettes publiques. Entre 1997 et 2009, les recettes fiscales de tous les ordres de gouvernement confondus sont tombées de 36 % à 31 % du PIB, créant ainsi un déficit annuel de 75 milliards de dollars. Pendant ce temps, le régime fiscal est devenu beaucoup plus inéquitable. Les taux supérieurs d’impôt sur le revenu des particuliers ont été considérablement réduits. Le taux d’imposition combiné fédéral-provincial le plus élevé est actuellement de 43 %, soit la moitié de ce qu’il était vers le début des années 1950. Les dividendes et les options d’achats de titres sont taxés à un taux nettement inférieur que les salaires.

Les services publics coûtent beaucoup moins cher aux citoyens et aux citoyennes que des services privés équivalents. Une étude a montré que les Canadiennes et les Canadiens reçoivent en moyenne des services d’une valeur de 16 000 $ par personne chaque année, bien plus que les individus ne paient en impôts. Les services de santé publics financés grâce aux impôts sont beaucoup plus économiques que ceux financés par les assurances privées, et ils réduisent le coût pour les employeurs privés et les gouvernements. Les services publics permettent de réaliser de grandes économies d’échelle et ne font pas l’objet d’une déduction de profits.

Les impôts permettent en outre de financer des transferts de revenus – tels que la SV, les prestations pour enfants, les prestations d’invalidité et l’aide sociale – qui sont d’une importance cruciale dans toute société équitable et qui assurent une plus grande sécurité de revenu à tous les travailleurs et les travailleuses, un coussin de base à ceux qui en ont le plus besoin et une stabilité économique plus grande en temps de chômage élevé. L’effet égalisateur des dépenses publiques est d’autant plus grand si le système fiscal est progressif, c’est-à-dire qu’il prélève une part plus grande des revenus des personnes qui en ont les moyens.

Vu la perte de la capacité de maintenir et d’améliorer les programmes sociaux et les services publics, la réduction des impôts, comme la réduction de 2 % de la TPS à laquelle les Conservateurs ont procédé, a largement contribué à empirer la situation de la grande majorité des Canadiens et Canadiennes.

Les réductions d’impôt accordées aux entreprises n’ont pas donné lieu à de nouveaux investissements et ont sapé notre assiette fiscale. Le taux d’imposition des sociétés devrait être rétabli à 19 % dans tous les secteurs d’activité. D’autre part, de généreux crédits d’impôt devraient être accordés pour appuyer l’investissement dans les initiatives productives et créatrices d’emploi.

De plus, les réductions d’impôts accordées aux sociétés ont permis aux entreprises privées non financières du Canada d’amasser des réserves de plus de 575 milliards de dollars, de l’argent qui n’est pas investi dans la création d’emplois au Canada.

Pour aider à la création d’emplois et au financement d’investissements dans les infrastructures, la formation et la sécurité des revenus, le ministre des Finances aurait dû fournir dans le Budget 2014 un cadre aux sociétés pour l’investissement de leurs réserves, ou bien il aurait dû récupérer celles-ci et les investir au profit de toutes les Canadiennes et tous les Canadiens.

Ce qu’il y a dans le budget :

Le Budget fédéral 2014 est une continuation du programme conservateur visant à équilibrer le budget d’ici à 2015 en réduisant les dépenses fédérales et les avantages des employés du service public fédéral. Au lieu de réinvestir de « l’argent immobile » dans la création d’emplois plus nombreux et mieux rémunérés, le Budget 2014 freinera la croissance économique, en dépensant 1 milliard  de dollars de moins dans les programmes en 2014-2015 qu’en 2013-14. Le budget fédéral continue de s’appuyer sur les réductions d’impôts sans conditions aux entreprises comme principal moyen de stimuler l’économie.

Afin de couvrir les 12 milliards de dollars annuels en réductions d’impôt accordées aux sociétés, le budget fédéral a confirmé geler des opérations budgétaires, il a annoncé des réductions de prestations pour les employés fédéraux, tels que des dispositions relatives aux congés de maladie pour les employés actuels et aux prestations de retraite pour les futurs retraités. Le budget a également annoncé une augmentation des recettes provenant des produits du tabac ainsi que de l’élimination de certaines échappatoires fiscales.

Conclusion

Le budget est une question de choix. Il est clair que les choix présentés aujourd’hui confirment que le gouvernement du Canada ne veut pas tirer parti de son excellente situation financière pour investir dans l’expansion d’une économie plus durable, la productivité et la formation et pour aider à créer de bons emplois tout en assurant la sécurité du revenu des travailleurs canadiens aujourd’hui et dans les années à venir.

Réduire les dépenses fédérales pour équilibrer le budget est nuisible à l’économie. Cela ralentit à court terme la croissance économique et empêche le Canada d’atteindre son potentiel maximal.

Ce budget poursuit sa lancée – dans une direction  manifestement négative pour le Canada. Le budget se contente essentiellement de réaffecter les dépenses au lieu d’effectuer de nouveaux investissements indispensables. Il s’agit d’un fourre-tout de mesures cosmétiques et les réductions d’impôt improductives accordées aux sociétés se payent par la poursuite de l’austérité. Ce budget ne sera pas celui qui permettra de créer des emplois en 2014.

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    25 mai 2021
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